Un film documentaire qui redonne une voix à la profonde berbérité des Tunisiens. Présenté lors du dernier festival du film africain de Louxor, le documentaire de Wassim Korbi traite le sujet des minorités en Tunisie et pas des moindres, celles des Amazigh. Une minorité dont l'identité et la langue ont longtemps été l'otage de la politique, mais qui s'est donné une voix après la révolution. Cela a été perçu comme une menace par certains et c'est de ce constat qu'est parti le cinéaste. Voici ce qu'il écrit d'ailleurs, dans son synopsis : «L'amazighité nourrira la discorde en Tunisie postrévolutionnaire», reproche-t-on à ce chanteur amazigh de Djerba. Ce documentaire tend, par ailleurs, à montrer le contraire. La richesse culturelle d'une région tunisienne marginalisée dont trois villages sont d'origines berbère ne peut que redessiner l'équilibre de la société. En effet, si les bus touristiques s'arrêtaient aux maisons reconstituées de Matmata, on découvrirait ici qu'ils ont raté les vrais derniers bastions de ce que l'on nomme la «culture berbère» à Taoujout, Tamerzet et Zraoua» «Les derniers bastions de la culture berbère» : c'est le cas de le dire, puisque ce sont ces poches de résistance qui ont permis à Wassim Korbi de filmer cette identité d'une richesse immense, qui laisse encore des traces dans le quotidien des Tunisiens du Nord au Sud .Des villages haut perchés sur les montagnes, des villages «mirador» qui vivent dans la hantise de l'ennemi depuis des siècles, des villages de roc construits comme un défi qui résiste à toutes les attaques. La caméra a su capter la personnalité de ces villages sans tomber dans les clichés touristiques, et c'est la première difficulté à résoudre d'ailleurs, lorsqu'on pense à tourner dans des endroits comme Tamerzet ou Taoujout. Au début, on rentre dans le film comme on rentre dans ces villages, avec une caméra portée qui monte des marches séculaires et emprunte des ruelles en enfilade. L'image essaie d'associer ceux qui témoignent à l'architecture berbère. Elle essaie de donner une voix aux pierres, mais aussi à ces vieillards silencieux qui font désormais partie du décor. Mais ces villages continuent à être les nôtres et font encore partie de la modernité. Et c'est peut-être la phrase cinématographique que le réalisateur a voulu écrire en introduisant une musique «rap» dans ce décor particulier. Le film a donné aussi la parole aux habitants de ce village, qui se montrent encore fiers de leur berbérité et qui la défendent. Ils sont plus que jamais déterminés à la défendre après la révolution du 14 janvier, via leurs associations. Mais le départ de l'ancien régime ne signifie pas que cette culture soit promise à des lendemains qui chantent... Bien au contraire, ses ennemis sont d'un genre nouveau de nos jours, et elle serait même accusée d'être «mécréante»... Dans ce sens, le propos du cinéaste a été clair : réhabiliter cette culture peut constituer une menace pour les courants extrémistes qui essaient de ramener la Tunisie vers des temps obscurs. Or c'est justement grâce à la diversité des identités et de leurs richesses qu'un pays peut évoluer.