Par Ezzeddine BEN HAMIDA A l'heure où la Tunisie fête ses martyrs, il faut rappeler une tragédie de l'époque coloniale : au Cap Bon, des massacres ont été commis entre le 28 janvier et le 2 février 1952 Exécutions sommaires, pillages, viols et piétinement de bébés par l'armée française au Cap Bon entre le 28 janvier et le 2 février 1952 : tels sont les crimes horribles, abominables et épouvantables commis par la « patrie des droits de l'Homme », comme le prétendait l'ex-président Nicolas Sarkozy : « La France n'a pas à rougir de son histoire, la France n'a jamais commis de génocide, la France a inventé les droits de l'Homme (...) la France est le pays du monde qui s'est le plus battu dans l'univers au service de la liberté des autres». Ce triste anniversaire en est un sur une longue liste. Les crimes commis en Tunisie sont nombreux, très nombreux. A présent, rappelons quelques effroyables détails de cet épisode criminel des parachutistes français (source : Livre blanc sur la détention politique en Tunisie, élaboré par la commission internationale contre le régime concentrationnaire -Bruxelles, 1953, disponible sur Internet) : Pièce numéro 1, page 91 : Nous pouvons lire un extrait d'un article de deux pages de Paris-Presse l'Intransigeant, du 2 février 1952 : « Amor Nachi, cheik de Tazerka, a déclaré qu'un villageois avait été tué, (...) abattu d'une rafale »; plus loin, page 92, nous pouvons également lire : « Salouha Bint Derouich, une jeune fille de 17 ans, fille de l'épicier du village, est l'héroïne de Tazerka. Son père a déclaré que les soldats avaient essayé de la violenter et qu'en luttant avec un d'entre eux, elle avait eu le bras traversé par une baïonnette. Une femme a déclaré de son côté qu'en essayant d'empêcher les soldats d'entrer chez elle, l'un d'eux lui avait brisé la cheville droite. Elle gît aujourd'hui, gémissante, sur un matelas sale (...)». Pièce numéro 2, page 93 : Un article de monsieur Taïeb Annabi, dans Le journal Nahdha, daté du 6 février 1952. On y lit : « Cinq demeures furent dynamitées : celle des enfants du cheikh Abderrahman El-Messaâdi, celle d'Ali El-Messaâdi, celle de Laroussi Derouiche, celle d'Ali Brinis et celle de Mohamed Gacem ». Le récit de notre compatriote est décisif et poignant. Il relate des constats effrayants : «Les hommes ne purent revenir au village, vers leurs femmes, que le mercredi 30 janvier vers 6 heures du soir. La nuit, ils percevaient les cris que poussaient les femmes dans chaque maison, tandis que quelques-unes essayaient de fuir, d'appeler à l'aide, mais la force armée les entourait de toutes parts » (p. 94) Plus loin, page 95, le journaliste évoque un fait atroce : des assassinats de bébés : « 1/La fille Fatma Bent Mohammed En-Nachi, âgée de vingt jours, piétinée. 2/ Le bébé Salha Ben Amor Ben Hassine En-Nachi, âgée de quarante jours, laissée à la troupe par sa mère fuyant devant les soldats, est jetée par terre. 3/La fille Zohra Bent Béchir Ghaleb, âgée de cinq mois, atteinte de rougeole, piétinée par les soldats. 4/ La fille Fadhila Bent Mohammed Ben Mohammed Gacem, délaissée par sa mère en fuite, est piétinée par la troupe. (...) » Pièces numéro 3, page 95 : Un article du journal Nahdha, du jeudi 7 février, liste une trentaine d'exécutions et d'assassinats sommaires de jeunes Tunisiens et de bébés par la légion française, de très nombreux viols : 6 seulement à Tazerka. Des pillages et une trentaine de maisons dynamitées sont également signalés. Le comble, après les exécutions, les pillages et les viols : les légionnaires avaient obligé les femmes tunisiennes à leur préparer à manger et à pourvoir à tout leur ravitaillement. Inutile de s'attarder sur toutes les pièces, elles sont toutes aussi effarantes et stupéfiantes les unes que les autres. Elles décrivent toutes des exécutions et des assassinats sommaires, des pillages et des viols commis dans certains villages et certaines villes du Cap Bon, particulièrement Kélibia, Tazerka, Hammam-Laghzez, Béni Khiar, Menzel Bouzelfa, Maâmoura, Nabeul (5 manifestants tués...), Hammamet (2 tués...), etc. Sans oublier évidemment les arrestations arbitraires de plus de 2.000 personnes et internées dans le camp de concentration de Servière à Fondouk-Djedid. Le correspondant de l'Associed Press écrit, après sa visite à Tazerka : « Il s'agit de crimes prémédités, d'expéditions punitives minutieusement organisées et effectuées avec une sauvagerie implacable. (pièce 4, p. 100) Plus loin, page 105, nous pouvons lire par exemple, suite aux résultats de l'enquête de la Chambre d'agriculture tunisienne du nord : « A El-Maâmoura : (...) Destruction du mausolée de Sidi Ben-Aïssa. Mosquée souillée et tanks se promenant au cimetière. 6 maisons détruites.(...) ». Par ailleurs, un témoignage assez frappant d'un Tunisien et ancien soldat dans l'armée française, rapporte lors d'un entretien avec un envoyé spécial de SOL TAS, page 107 : « Monsieur, j'ai été soldat dans l'armée française pendant quatre ans, de 1939 à 1944. J'ai été partout. Toujours nos officiers nous disaient : jamais piller, jamais saccager, jamais toucher aux femmes. C'est ainsi que nous avons parcouru l'Europe, même l'Allemagne. La première fois que j'ai vu de ces choses, c'est ici, dans mon propre village. Je suis compensé ! ». Avant de finir, nous demandons désormais la commémoration chaque année de cette tragédie pour lutter contre l'oubli. Il s'agit d'un devoir de mémoire à l'égard de nos aînés : nos mères, nos pères, nos oncles, nos cousins, nos voisins,...bref nos compatriotes. Que le Seigneur bénisse leur âme par Sa miséricorde. Je saisis cette occasion pour demander solennellement à nos autorités politiques conservatrices et progressistes d'instituer une commission pour réécrire notre histoire coloniale et faire la lumière sur les crimes perpétrés ! Pour ainsi indemniser les victimes qui sont encore vivantes et traduire en justice les coupables encore vivants !