Pr Nadia Fenina, directrice générale de l'Unité de la pharmacie et du médicament au ministère de la Santé, nous explique la situation actuelle de l'industrie locale du médicament et les perspectives d'un secteur prometteur. Les médicaments disponibles sur le marché tunisien sont de deux origines : il y a ceux qui sont fabriqués localement et qui représentent près de 47% en chiffres d'affaires et 65% en volume et ceux qui sont importés de différents pays et essentiellement de France. C'est dire que la Tunisie a atteint depuis des années un progrès important en matière de fabrication de médicaments. Selon Pr Nadia Fenina, directrice générale de l'Unité de la pharmacie et du médicament relevant du ministère de la Santé publique : «La Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) est la seule structure qui a le droit d'importer les médicaments commercialisés dans notre pays après décision de mise sur le marché (DMM), qui fait suite à une décision du ministre après tout un processus de contrôle et d'analyse». L'importation des médicaments suppose le dépôt d'un dossier et des échantillons. Le dossier comporte une partie administrative et une autre technique qui est destinée au laboratoire national de contrôle des médicaments qui analyse et évalue les échantillons mis à sa disposition. «Parfois, nous mettons deux ans pour délivrer la DMM», souligne notre interlocutrice. Ainsi, une commission spécialisée dans le domaine des médicaments regroupant les intervenants concernés dont les représentants de l'administration, du laboratoire et autres, donne son avis sur les médicaments à importer avec de donner son rapport au ministre de la Santé publique qui peut accepter ou rejeter la demande d'importation. «La situation est stable» L'autorisation de mise sur le marché est d'une durée de cinq ans renouvelable sauf alerte au sujet d'un médicament donné. «Le moindre problème signalisé concernant un médicament engendre son rejet», rassure Pr Fenina. Cependant, les médicaments bio-similaires (comme l'insuline) doivent être disponibles en stock suffisant pour une durée de trois mois qui peut se prolonger jusqu'à quatre mois. Il y a aussi les médicaments princeps dont le contrôle exige la réunion d'une commission spécialisée. Les médicaments importés sont distribués au secteur public — comme les hôpitaux et les centres de santé de base — et au secteur privé comme les grossistes, les officines et les cliniques. L'Observatoire des médicaments suit la situation de l'approvisionnement et le stock stratégique régulateur et se réunit une fois par mois pour faire le point et identifier éventuellement les médicaments manquants, et ce, conformément à une circulaire du ministère de la Santé publique. Ce stock doit couvrir trois mois. La PCT s'est d'ailleurs trouvé avec des stocks «énormes» pour certains médicaments allant jusqu'à quatre mois d'approvisionnement. «Actuellement, la situation de stockage et d'approvisionnement est stable et équilibrée», soutient notre interlocutrice, reconnaissant, cependant, qu'il y avait eu des cas de contrebande par le passé, mais la PCT a renforcé ses stocks pour faire face à tout risque éventuel. S'il y a eu des manques au niveau de certains médicaments, c'est notamment à cause des fabricants au niveau international dont certains changent de produits. En tout cas, une perturbation de la production à la source est toujours possible. «En cas de retrait d'un produit, on peut le remplacer par un autre aux même effets», estime Pr Fenina. Une cellule de veille est, en tout cas, active pour répondre aux besoins. Le souci consiste aussi à faire parvenir les médicaments à temps aux structures concernées. «Depuis un an, la situation est stable» constate cette spécialiste des médicaments. Partenariat avec les industriels étrangers La situation du stockage est régulièrement mise à jour et les pharmaciens ainsi que les médecins sont informés des nouveautés par le biais d'un web régulièrement mis à jour en plus d'un courrier ou fax adressé aux intéressés. En cas de problèmes, les pharmaciens peuvent contacter l'Unité de la Pharmacie et du Médicament pour l'alerter. Pour l'insuline, par exemple, le stock est de 6 à 8 mois. La PCT définit le volume des médicaments à commercialiser par les grossistes en fonction de la demande et cela entre dans le cadre de la bonne gouvernance adoptée. Si certains médicaments se trouvent hors de la nomenclature de l'hôpital, ils peuvent être indisponibles. L'utilisation des médicaments dans les hôpitaux se fait à partir des stocks de la PCT. A elle seule, la production locale a atteint un chiffre d'affaires important (70%) en matière de médicaments génériques. Entre 2011 et 2012, la production a augmenté de 30 à 40% avec un chiffre d'affaires égal à 17%. La Tunisie s'approvisionne en médicaments essentiellement de France mais aussi d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Jordanie et même du Canada, d'Inde et de Cuba suite à des appels d'offres internationaux. L'avantage du partenariat entre les industriels étrangers et tunisiens est le transfert de la technologie, la création de nouveaux postes d'emploi et la diminution des dépenses en devises pour l'importation. Il est possible également de maîtriser le coût de production au niveau local pour proposer des prix abordables. Les médicaments tunisiens ne sont pas mis en cause et bénéficient d'une bonne réputation. Le médicament tunisien n'est pas exporté, cependant, en grandes quantités. La Libye, le Côte d'Ivoire, la Mauritanie, l'Algérie et même la France et l'Allemagne sont parmi les marchés vers lesquels les produits tunisiens sont exportés. On veut promouvoir davantage les exportations pour toucher de nouveaux marchés et renforcer notre présence dans ceux qui sont déjà exploités. Des dispositions sont prises pour émettre rapidement l'AMM et donner l'occasion à l'industriel tunisien de participer aux appels d'offres organisés dans certains pays.