Par Khaled TEBOURBI UN coup d'œil, au passage, à la tente des «petits-fils d'Ibn Khaldoun», dressée Tunis-Centre, à l'occasion du «printemps du livre». Les «petits-fils d'Ibn Khaldoun» trônent en haut de l'entrée : Fadhel Ben Achour, Messaâdi, Tahar Haddad, l'immortel Chebbi et l'on en omet. Les voir ainsi auréolés rassure sur la qualité de l'expo. Erreur : d'emblée, ce ne sont que manuels scolaires, alternant avec les gros ouvrages épais, «calligraphiés» sur la religion, les révélations, les récits, miracles et superstitions. Cela prend presque les deux tiers de la salle, le long des deux allées. Pour le reste, rien, strictement rien : ici une copie de la nouvelle Constitution, là le code des obligations et des contrats et, calé entre tous, le tout récent essai sur l'islam politique, «flanqué», pleine couverture, du portrait de Rached Ghannouchi. Pas l'ombre d'un roman, ou alors c'est qu'on les a bien dissimulés. Pas même de quoi rappeler à Garcia Marquez. Pas même la trace de «L'histoire de la Tunisie», de Habib Boularès. Les deux disparitions sont encore chaudes et ce que l'on célèbre est «le printemps du livre». Quel ratage! Et quelle déception! Taoufik Jebali a eu le mot juste l'autre soir sur «Tounessna» : régression! Nous avons régressé oui, et cette tente des «petits-fils d'Ibn Khaldoun» dressée au beau milieu de l'avenue Habib-Bourguiba, soi-disant en l'honneur du livre et des grands noms du livre, en est le triste échantillon. Il y en a d'autres bien sûr depuis un certain 14 janvier 2011. Mais celui-ci les dépasse de loin en amertume et en regrets. Lanciant! Comment soutenir cette «dissymétrie»? D'un côté, les portraits, hissés haut, de nos poètes et penseurs historiques, et de l'autre, sur les allées d'une exposition, un méli-mélo, de nos pires écrits présents. Que croit-on faire au juste? Répondre aux attentes du public? Contenter la masse crédule des bonnes gens? Ou «laver des têtes»? Ou «soumettre» des esprits? Inutile de revenir aux défiances et aux polémiques passées. Tenons-nous à ce qui se propose ici et maintenant. Au programme de l'actuel gouvernement. S'agissant de culture, que l'on sache, ce gouvernement s'est engagé, aussi, sur le «principe d'impartialité». Le ministre choisi est, sans conteste, indépendant. Et le projet qu'il défend évite, clairement, les «partis pris». Par quoi expliquer, dès lors ce qui «s'étale sous la tente des «petits-fils d'Ibn Khaldoun», avenue Habib-Bourguiba? Une seule réponse : l'impartialité d'un chef de gouvernement ou de son ministre ne suffit pas. Il faut s'assurer encore de l'impartialité de toute l'administration. «Le printemps du livre» remplace cette année la foire internationale du livre (défaillance pour nombre de raisons). Et il est organisé dans six régions, à l'initiative des délégués régionaux de la culture. On se souvient de l'affaire du festival de Boukornine, cet été, et de la démission de Leïla Toubel. La délégation culturelle de Ben Arous n'y était pas étrangère. Sur ce chapitre, donc, l'impartialité n'est toujours pas garantie. D'aucuns suivent le principe, d'autres pas. L'absence de Garcia Marquez et de Habib Boularès au stand «Ibn Khaldoun», trouve peut-être là, sa principale raison.