Les parrains de l'exclusion ont eu beau s'agiter pour imposer leurs choix, les constituants les ont encore désavoués Branle-bas hier au sein de l'ANC, à la suite du rejet, mercredi, par l'Assemblée nationale constituante (ANC), de l'article 167 de la loi électorale relatif à l'exclusion politique prévoyant d'interdire aux rcdistes de se porter candidats aux prochaines élections législatives. En effet, les constituants qui ont refusé le verdict de mercredi se sont mobilisés pour rédiger une pétition ayant l'aval de 86 députés, demandant que l'article en question soit réexaminé en plénière et revoté «dans l'objectif qu'il soit adopté, c'est-à-dire cautionné par 109 constituants au moins, ce qui constitue la majorité absolue». Il s'agissait de savoir si les constituants qui l'avaient rejeté, dont en premier lieu ceux appartenant à Ennahdha, allaient changer d'avis et si ceux qui s'étaient abstenus ou s'étaient absentés (certains ont quitté la salle de la plénière au moment du démarrage de l'opération du vote) allaient revoir leurs positions. Jusqu'à une heure avancée, aucun pronostic n'était plausible dans la mesure où la réunion tenue, mercredi soir, dans l'hémicycle du Bardo, par Rached Ghannouchi, Abdelhamid Jelassi et Ajmi Lourimi avec les constituants nahdhaouis n'avait pas, semble-t-il, abouti aux résultats escomptés. Visiblement mécontent de la position prise par les constituants nahdhaouis, dont seulement 39 ont voté pour l'exclusion, alors que cinq seulement ont refusé l'article en question (26 se sont abstenus et les autres se sont absentés), Ghannouchi était venu pour reprendre la situation en main et conseiller fermement aux députés nahdhaouis d'obéir aux directives du parti et de voter massivement contre l'exclusion au cas où l'article 167 seraient soumis au vote de nouveau. Des indiscrétions qui ont filtré sur cette réunion, on apprenait que «les débats ont été houleux et que les constituants nahdhaouis appartenant à l'aile dure ont montré qu'ils n'étaient pas prêts à appliquer les consignes de la direction du parti». L'amendement est possible si... Sur le plan juridique, la question était de savoir si le règlement intérieur de l'ANC prévoit que l'article d'une loi adoptée ou rejetée lors d'une séance plénière puisse être amendée et quelles sont les parties habilitées à le faire ? La réponse est on ne peut plus claire et précise. L'article 93 du règlement intérieur de l'ANC stipule: «Au cas où l'Assemblée déciderait d'introduire un amendement sur un article déjà voté, elle peut revenir à la discussion de cet article en vue de son adoption. Il est possible à l'Assemblée de revenir à la discussion d'un article déjà adopté au cas où elle en recevrait la demande de la part du représentant du gouvernement ou du président de la commission parlementaire concernée ou de son rapporteur général». Il apparaît donc, à première vue, que l'article 93 du règlement intérieur de l'ANC ne donne pas la possibilité à un nombre déterminé de constituants d'introduire une pétition exigeant qu'un article déjà voté ou rejeté d'une loi quelconque soit réexaminé et revoté (qu'il soit adopté ou rejeté). «Seulement, dans le cas présent, la pétition signée par 86 députés peut aboutir, puisque la présidente de la commission de législation générale est en mesure de soutenir les signataires de la pétition et exiger que la plénière réexamine l'article en question. Toutefois, les pétitionnaires doivent satisfaire à une condition prévue dans l'article 93 du règlement intérieur de l'ANC. Il y est, en effet, textuellement indiqué que l'amendement exigé doit se fonder sur de nouveaux éléments intéressant le projet de loi en question avant la clôture des débats sur le projet de loi», précise à La Presse le constituant d'Al Moubadara, Karim Krifa. Le même constituant dénonce ce qu'il appelle «un précédent grave dans la jeune histoire de l'ANC, puisque cette pratique révèle une position inadmissible, celle de refuser le résultat d'un vote en recourant aux acrobaties pour imposer, par certains, leurs propres choix». «L'article 167, ajoute-t-il, a connu neuf amendements et pourtant, il a été rejeté». Les divisions, au grand jour Comment réagit la société civile à la confusion qui a régné au sein de l'ANC et aux divisions qui se sont exprimées à l'intérieur même des partis ? Quels enseignements peut-on tirer à la lecture des données révélées par l'Association Bawsala sur le vote des uns et des autres ? Néji Jalloul, militant de la société civile, estime que «la guerre fratricide que se livrent, à travers les réseaux sociaux, les durs et les modérés au sein d'Ennahdha, montre que Ghannouchi n'est plus le maître de son parti. On s'attendait à ce que les divisions éclatent au grand jour après la décision d'Ennahdha de quitter le gouvernement. Maintenant, ce n'est plus un secret pour personne qu'Ennahdha se divise en trois factions. La première, dirigée par Ghannouchi et Lotfi Zitoune, prône le dialogue, s'oppose à l'exclusion et ne refuserait pas de s'allier à Nida Tounès, considérant que l'intérêt de la nation commande une telle alliance. La deuxième, dite l'aile dure, pilotée apparemment par Noureddine Bhiri, a décidé de ne plus appliquer les ordres, et ses membres menacent même de démissionner. La troisième faction est dirigée par Hamadi Jebali, dont la démission du poste de secrétaire général a été refusée par Ghannouchi. Cette faction propose une troisième voie, essayant de réconcilier les uns et les autres». Rejet définitif Finalement, l'article 167 relatif à l'exclusion a été réexaminé lors de la séance plénière tenue hier après-midi. Encore une fois, les constituants ont décidé de le rejeter.