Dans le cadre d'un colloque sur le thème « L'image numérique dans la production audiovisuelle en Tunisie », nous avons enfin eu l'occasion d'en savoir plus sur l'état des lieux du cinéma russe, grâce à l'intervention de Vladimir Gabyshev, critique et producteur, ami de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs et fidèle spectateur du cinéma tunisien. Invité à la quatrième édition du festival du cinéma russe, qui a eu lieu à Sousse du 27 avril au 3 mai 2014, et qui se poursuit à Tunis du 6 au 12 de ce mois, Vladimir Gabyshev a été sollicité par l'Association d'Echange Culturel pour donner son point de vue sur le cinéma actuel. D'une part, dit-il, les budgets des films de divertissement de Hollywood augmentent d'une façon démesurée et, d'autre part, la tendance à faire baisser les coûts des films est évidente. Aujourd'hui, les films sont tournés, non seulement avec des caméras numériques, mais aussi avec des caméras photo. « Les moyens de financer et de donner à voir les films changent aussi », ajoute-t-il. Internet devient un acteur actif dans les domaines de la production et de la diffusion. Vladimir Gabyshev explique, par la même occasion, ce que c'est que le Crowd funding, qui n'est autre que la collecte des fonds par Internet et qui prend de plus en plus de l'ampleur. Pour plusieurs films, Internet devient donc un écran de premières mondiales et un espace de débats et de conférences en ligne avec les créateurs. Mais quel est l'état des lieux du cinéma russe qui, d'après les films vus lors de ce festival de Sousse, lutte par tous les moyens pour avoir une place de choix sur les écrans du monde ? Gabyshev nous apprend que leur cinéma est subventionné à 70 ou à 80 pour cent par l'Etat. Mais il y a d'autres types de subventions que les producteurs doivent rembourser. Il nous apprend également qu'il existe deux sources de financement public : le fonds pour le soutien du cinéma qui finance les grands studios ainsi que les artistes dont les films ciblent le grand public, et le ministère de la Culture qui finance le cinéma d'art et d'essai, qui aide les cinéastes débutants et encourage la production des documentaires et des films d'animation. Le producteur et critique russe précise que les cinéastes, qu'ils soient célèbres ou inconnus, doivent absolument savoir « pitcher »(*) leurs films aux bailleurs de fonds. Cela se passe de la même manière à Hollywood. On ne se contente pas de lire les scénarios. Les cinéastes doivent savoir mettre l'eau à la bouche des producteurs. «Dans le monde du septième art, les problèmes de création et de financement sont liés. Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas l'argent qui manque, mais plutôt les idées», réplique l'intervenant. Cependant, ajoute-t-il, la part des films russes au box-office a atteint les 18%. Récemment, il y a eu des films à grand public et de qualité indiscutable qui ont récolté une recette impressionnante. Citons-en un exemple : un long métrage programmé lors de cette quatrième édition du festival du cinéma russe en Tunisie et qui s'intitule « Viï », d'Oleg Steptchenko. Ce long métrage de deux heures et huit minutes n'a rien à envier aux « Harry Potter » américains. Gabyshev cite, à son tour, deux autres titres : « La légende 17 », de Nikolaï Lébédev, et « Le métro », d'Anton Méguerditchev, produits par des producteurs « puissants ». « Les plus grands réalisateurs russes ne cachent pas leur envie de tourner des films à gros budget et qui pourraient attirer le grand public», déclare Vladimir Gabyshev. Ces derniers travaillent également pour la télévision. Pavel Lounguine, très célèbre en Europe, est actuellement sur deux projets à la fois : une série télévisée adaptée d'une célèbre fiction américaine, et un long métrage « très sérieux », basé sur sa propre vision de « La dame de pique ». Quant à Nikita Mikhalkov, le réalisateur super connu dans le monde, il est en train de finaliser « L'insolation », d'après l'œuvre d'Ivan Bounine. Rappelons que Mikhalkov a sa propre boîte appelée « TRITé » et fait partie du groupe « Les studios leaders », financés par l'Etat, à travers le fonds pour la cinématographie. « Out of record », on nous chuchote que Nikita Mikhalkov serait peut- être bien l'invité spécial de la prochaine édition du festival du cinéma russe en Tunisie. (*)Pitcher veut dire qu'en six minutes maximum, si possible quatre, et idéalement deux, le scénariste doit raconter son histoire de la façon la plus alléchante possible.