A l'issue d'un cycle des films de la cinéaste Kalthoum Bornaz, qui s'est tenu au club Tahar-Haddad tout au long du mois d'avril, une rencontre a réuni la réalisatrice avec quelques cinéphiles. Animée par Hatem Bourial, la rencontre a permis un éclairage sur les films réalisés par la cinéaste-monteuse. «Des films post-féministes», a souligné en l'occurrence le présentateur du débat qui a, en outre, mis l'accent sur un film particulier : Keswa... «Le filigrane des films de Kalthoum Bornaz concerne la question féminine». S'agissant de ce film, le premier long métrage de la cinéaste, Hatem Bourial considère qu'il ne vient pas poser un questionnement au départ. «C'est un film qui a davantage rapport à l'imaginaire». Selon lui, ce qui singularise les films de Kalthoum Bornaz, c'est qu'ils ne se fondent pas dans un moule particulier. «Keswa a une valeur originale du fait qu'il est l'un des rares films tunisiens dont la fable est onirique. C'est un film qui a cassé les tabous, les conventions et les clichés et représente de ce fait un cas d'école», a souligné l'animateur. Keswa, le fil perdu bouscule les lignes, en mettant en scène la dérive d'une jeune fille. «Je me suis inspirée de mon histoire personnelle. Dans les années 70, de retour de Paris où j'ai effectué mes études, je devais assister au mariage de mon frère. Ma famille m'a fait porter un lourd costume traditionnel dans lequel je suis devenue prisonnière de mes mouvements. Et comme le personnage dans le film, toute la famille est partie vers la salle de mariage et j'ai dû prendre un taxi pour les rejoindre», évoque Kalthoum Bornaz. L'avis de Tahar Ben Jalloun Une histoire qui l'a beaucoup marquée et dont elle a tenu à s'inspirer pour son premier long métrage. «L'image de la femme dans les films arabes m'a toujours irritée. C'est pourquoi j'ai réalisé Keswa, à rebrousse-poil, en adoptant de fausses pistes», déclare-t-elle en substance. Et d'ajouter que plusieurs scènes du film ont irrité le public étranger, notamment européen, dont la séquence de la prière où on voit un enfant monter sur le dos de son père en position de prière. «Pour eux, l'islam, c'est le couteau entre les dents», a expliqué la cinéaste. Au sujet des films dits «de femmes», Bornaz récuse en bloc cette classification. «Ce n'est pas parce que je suis une femme que je dois nécessairement réaliser des films sur la femme. Dans le cas de Keswa, la thématique est en rapport avec l'errance. Il s'agit d'un film provocateur, à tel point que lorsqu'il a participé au Festival international du film du Caire, l'écrivain Tahar Ben Jalloun, qui était membre du jury, m'a interpellée pour me dire que j'aurais dû lui envoyer le scénario pour effectuer quelques retouches, notamment au niveau du personnage principal. Il n'a pas accepté que ce dernier soit la sœur de la mariée et aurait souhaité que ce soit la mariée elle-même». A noter que Rym Turki, l'héroïne de Keswa, a obtenu le prix d'interprétation féminine lors de ce festival.