On se félicite au sein de la classe politique de la dissolution de la Ligue de protection de la révolution. Une décision tardive certes, mais pertinente La Ligue nationale de protection de la révolution ainsi que les sections qui en relèvent ont-elles vécu ou ont-elles disparu définitivement ? La question est à poser sérieusement à la suite de la décision du Tribunal de première instance de Tunis de dissoudre la ligue et ses sections et de confisquer leurs biens. L'ordonnance ayant été prise en référé, l'appel que compte interjeter la ligue n'est pas suspensif de l'exécution du jugement rendu. En plus clair, la partie requérante, en l'occurrence le secrétaire général du gouvernement, peut exiger l'exécution du jugement, dès aujourd'hui, mardi 27 mai, comme le stipule l'article 207 du Code de procédure civile et commerciale. Reste à savoir si le secrétaire général du gouvernement va procéder comme le lui permet la loi, ou s'il va attendre pour demander l'exécution du jugement qu'il vient d'obtenir. Pour le moment, rien n'a filtré sur ses intentions. Mais avant d'arriver à ce stade, comment les acteurs du paysage politique national ont-ils réagi à l'ordonnance rendue par le Tribunal et quels signaux y décèlent-ils? Un acquis à saluer Pour Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique démocratique, il s'agit d'«une décision judiciaire indépendante. Mieux, c'est un acquis à saluer dans la mesure où la justice a rendu ce jugement après avoir établi que la Ligue de protection de la révolution est illégale et que ses pratiques violentes sont contraires à la loi. Toutefois, l'on ne peut ne pas se poser la question pourquoi nos magistrats se sont prononcés avec tant de retard au point que plusieurs parties n'y croyaient plus». «La réponse, ajoute-t-il, est claire et simple. Le dossier était bloqué à l'époque des gouvernements de la Troïka I et II. Maintenant, avec la décision de dissoudre cette ligue, on a le sentiment que le gouvernement Jomâa est décidé à parachever l'application des dispositions contenues dans la feuille de route issue du Dialogue national». «Ce Dialogue national, poursuit Abderrazak Hammami, qui fait actuellement du surplace et peine à redémarrer. Pour moi, le Dialogue national doit évoluer aux plans du contenu et de la formule et répondre aux exigences de l'étape actuelle qui ne sont plus celles de l'étape qui a présidé à ce même dialogue. Malheureusement, plusieurs parmi les acteurs de la scène politique nationale veulent que le flou et l'ambiguïté continuent à persister». Les conditions du rétablissement de la confiance «Il est clair que le gouvernement Jomâa a compris, aujourd'hui, qu'il n'existe d'autre issue que celle d'appliquer les dispositions que comporte la feuille de route dont la dissolution de la Ligue nationale de protection de la révolution. Avec les menaces pesant sur la tenue du dialogue économique national, il semble que Jomâa a pris la bonne décision, celle de rétablir la confiance entre les différents acteurs politiques, cette confiance ne pouvant être réinstaurée qu'à condition que les engagements pris par les uns et les autres soient exécutés», relève Noureddine Ben Ticha, membre du comité directoire de Nida Tounès. «La dissolution de la Ligue nationale de protection de la révolution est un pas positif bien qu'intervenant tardivement. L'essentiel est que les LPR n'existent plus aujourd'hui», conclut-il. L'avis juridique Entre ceux qui applaudissent la décision du tribunal et ceux qui la considèrent comme «une décision politique obtenue sous la pression des partis politiques», comme le souligne Mounir Ajroud, président de la Ligue nationale de protection de la révolution, se dresse l'avis juridique confié à La Presse par Abdelmajid Ebdelli, professeur de droit à l'université tunisienne. «Sur le plan juridique, c'est un jugement qui doit être exécuté au cas où la partie requérante (le Premier ministre) demanderait son application. Selon l'article 207 du code de procédure civile et commerciale, les ordonnances de référé sont exécutoires vingt-quatre heures après leur signification sauf au cas où le juge aurait accordé un délai de grâce». La Ligue nationale de protection de la révolution peut-elle interjeter appel et obtenir la suspension du jugement rendu ? «Oui, elle peut introduire un recours en appel puis formuler une demande au nom du président de la Cour d'appel, le sollicitant d'ordonner la suspension du jugement. Sauf que, selon l'article 209 du Code de procédure civile et commerciale, l'appel des ordonnances de référé n'est pas suspensif d'exécution». Il existe, cependant, une issue juridique permettant de «surseoir pendant un mois à l'exécution de l'ordonnance attaquée au cas où le président de la juridiction saisie estimerait qu'il y a une violation flagrante de l'article 201 du Code de procédure civile et commerciale qui parle d'urgence en la matière», précise le professeur Ebdelli.