Par MOHAMED KOUKA Viendra, viendra pas ? De qui, de quoi s'agit-il ? Au ministère de la Culture on est fébrile. On s'agite, on s'inquiète, on temporise. Quel est cet événement qui fait tant vibrer dans les couloirs dudit ministère ? Je vous le donne en mille : Chakira. C'est vrai, il s'agit de Chakira. Les jeunes vibrent, encore et toujours, à l'écoute de ‘whenever, wherever', sans négliger le côté ‘venus callipyge' de la star; alors, là, on aura tout dit. Faut-il souligner qu'il n'y a aucun a priori hostile envers Chakira. Même si seuls les nantis iront à la fête, ce qui fait problème c'est la préoccupante confusion entre culture et variété. L'assimilation du monde de la culture au monde de l'amusement, de la variété. L'avènement de la consommation comme culture ! Comment en vient-on à identifier divertissement et culture ? Rappelons que sous l'ancien régime, la place accordée aux variétés, et l'attirance à l'égard des spectacles d'une forte provocation émotionnelle, ce qu'il fallait, pour divertir des véritables problèmes du moment, au détriment de l'intelligence, avaient envahi tous les principaux festivals du pays. Des galas, rien que des galas à ciel ouvert partout. Durant tout l'été, le pays se transformait en un immense café chantant financé par les deniers publics avec la complicité des responsables culturels de l'époque. Nous avons tant espéré qu'avec l'avènement de la démocratie, nous allons enfin accéder à la culture comme éducation à la liberté, à la culture comme service public. La culture qui nous élève au-delà de la simple vie pour la vie. Il est question de la culture formation, ce que les allemands appellent Bildung : ce qui civilise. Il nous faut une culture pour nous élever vers notre humanité. La question de la démocratie culturelle se pose en même temps que celle de la démocratie politique .Culture et politique doivent être pensées simultanément en fonction des conditions de vie de chacun et de son mode d'inscription dans ses espaces de vie, de travail, de loisir. Dans son rapport à l'Autre et à la cité .La culture donne le sens de l'action publique. L'action culturelle et artistique n'a de sens qu'à la condition d'être inscrite dans un processus politique où se pose la question de l'accomplissement de la démocratie. L'apport de l'art comme œuvre de l'esprit est déterminant. Si l'art a une valeur suprême, c'est de nous rendre le regard plus libre. L'art, a cette vertu de nous conduire de la nature à la liberté, de nous permettre de nous réaliser. Nous avons baptisé «culture» la représentation hédoniste de la vie fondée sur les plaisirs et l'amusement, apanage des nantis, (Chakira, ce n'est pas donné !), face à la grande foule des travailleurs besogneux. Il faut réaffirmer la responsabilité nationale de l'Etat à l'égard de la création et la nécessité d'une intervention publique forte dans le même temps, pour créer les conditions de son partage par le plus grand nombre. Pour cela, il faut refonder le service public de l'art et de la culture