Venue pour la première fois en Tunisie, cette formation a été l'ambassadrice de l'une des musiques algériennes les plus authentiques. Le malouf est un patrimoine commun à la Tunisie, à l'Algérie et au Maroc. Chaque pays se l'est approprié à sa façon et y a mis son empreinte. En Algérie, ce genre est présent à Alger, à Constantine et à Tlemcen, où il est resté fidèle à ses premiers traits de caractères, tracés par les Andalous immigrés d'Espagne au XVIe siècle. Leurs héritiers chantent aujourd'hui un patrimoine auquel ils semblent tenir. La troupe de malouf de Tlemcen est composée de musiciens expérimentés mais aussi de jeunes, tout aussi talentueux, comme en témoignent les solos qu'ils ont improvisés au cours de la soirée. Au centre du groupe, la chanteuse Lila Borsali. Luth à la main, elle a salué le public en manifestant sa joie de se produire en Tunisie et a ensuite présenté le programme. Celui-ci commence avec la «nouba», le «hawzi» et enfin le «m'dih». Dans les deux premiers registres, le ton est mélancolique et le chant extrêmement technique. Originaire de Tlemcen, la chanteuse a fait partie de plusieurs associations locales de malouf avant de partir à Paris. Dans la Ville lumière, «elle a co-fondé l'association Les Airs Andalous, enrichi ses connaissances dans le domaine du patrimoine et parfait sa technique de chant», peut-on lire dans sa biographie. Avec sa magnifique voix, Lila Borsali est passée d'un répertoire à un autre avec autant de maîtrise. Les chansons de la «nouba» sont à la base des poèmes en arabe classique ou dialectal qui traitent de passion ou de «ichk». Certains textes traitent même de l'amour du divin, alternance fréquente chez les Andalous, entre sacré et profane. Le «hawzi», en revanche, se chante le plus souvent en dialectal. Lila Borsali a entre autres interprété le poème «Ya nassim arrih» d'Al-Hallaj. Le «jadd» du malouf. Mais la chanteuse a aussi offert au public sa version de «Lamouni elli gharou menni» de Hédi Jouini: variation. En toute humilité, elle a prié le public de l'excuser de ne pas la chanter «comme il faut». «Ce n'est pas tout à fait mon répertoire mais je voulais vous l'offrir», a-t-elle ajouté. Les rythmes des louanges au Prophète (M'dih) étaient étonnamment plus joyeux que ceux de la «nouba» et même du «hawzi». Cela semble refléter une vision du monde où l'on n'est jamais satisfait de la vie terrestre ni de son amour, souvent source de chagrin et d'inachevé, alors que la rencontre de Dieu est un apaisement et parfois source d'allégresse. Le malouf algérien n'est peut-être pas très populaire chez nous, mais le public présent aura profité d'un bon moment. Il a longuement applaudi la troupe de Tlemcen et Lila Borsali en les remerciant de cette soirée qui était bien dans le ton.