La Troupe des derviches tourneurs de Konya (Turquie) interprète une cérémonie religieuse intitulée «Sema» mardi soir au Théâtre de la Ville de Tunis. Aimer Dieu, le louer, le glorifier et l'invoquer en s'émerveillant sur Ses qualités et sur les dons qu'Il a consentis à Ses serviteurs, tout en renonçant au «matérialisme» qui pèse sur l'âme et la foi, voilà ce qui va avec l'esprit de ce mois saint et ce que recherchent certains spectateurs, habitués du festival de la Médina. Ils ont découvert, mardi dernier, sur la scène du Théâtre de la Ville de Tunis, la troupe des derviches tourneurs de Konya — invitée par l'Office de tourisme de Turquie— une spécialiste du genre, qui a embarqué le public présent dans un voyage initiatique, visuel et musical exceptionnel. Au-delà de l'aspect spirituel de la performance, ce spectacle nous transporte au cœur d'une culture millénaire et traditionnelle. La troupe des Derviches Tourneurs de Konya a la spécificité de vivre et de travailler dans la ville où fut fondée, au XIIIe siècle, la confrérie soufie des Derviches. Elle nous a présenté la Sema, ou danse des Mevlevis, une cérémonie religieuse dont l'origine est attribuée au philosophe et poète mystique turc Celalettin Rumi (1207-1273), surnommé par ses disciples Mevlana (Notre Seigneur). Il s'agit d'une danse extatique qui permet au Derviche d'accéder à un état de conscience et de perception particulière pour entrer en communion avec Dieu. Chaque détail du cérémonial est empreint d'un symbolisme à la fois religieux et philosophique. Les derviches sont en quête de divin. Dans ce tournoiement rituel infini au cours duquel la terre et l'air semblent fusionner, c'est bien le mouvement universel et cosmogonique du monde qui s'esquisse. Le manteau sombre dont les danseurs se dépouillent avant d'entrer en mouvement représente l'enveloppe matérielle à laquelle l'homme renonce avant de s'unir à Dieu au moment de sa mort, les larges robes blanches qu'ils portent représentent le suaire et les toques coniques, le sépulcre. Les danseurs tournent d'abord lentement puis très rapidement, jusqu'à ce qu'ils atteignent une forme de transe, durant laquelle ils déploient les bras, la paume de la main droite dirigée vers le ciel dans le but de recueillir la grâce du divin, celle de la main gauche dirigée vers la terre pour l'y répandre. L'état d'extase atteint par les derviches est alors transmis au public, comme un appel au partage de la connaissance de soi, un apaisement et un bien-être... Les voix profondes et célestes des chanteurs de la troupe soutenues par le nay, le tambourin et le luth semblent se matérialiser par la présence presque métaphysique des derviches tourneurs. La danse prend alors fin par une lecture du Coran sourate Bakara 2:115 «L'est et l'ouest appartiennent à Allah. Quelle que soit ta route, tu rencontres Allah. Il est omniprésent et Tout Puissant». Ainsi que la lecture de la Fatiha (prière) pour les âmes des prophètes et des croyants .