Par Hmida BEN ROMDHANE L'opposition syrienne s'est dotée d'un nouveau dirigeant. Ahmad El-Jarba est remplacé par Hadi El-Bahra à la tête de cette structure ossifiée, paralysée et qui, pendant trois ans, a réussi une seule chose : jouer les marionnettes entre les mains de puissances dont les objectifs n'ont rien à voir avec ceux du peuple syrien. Celui-ci était animé en 2011 par la seule et unique idée de vivre dans un pays libre et prospère et se retrouve trois ans plus tard avec un pays détruit. Dans les conditions où se trouve aujourd'hui la Syrie, l'existence même de la « coalition nationale syrienne » relève de la tragi-comédie. Un jour avant le choix d'un nouveau dirigeant, le porte-parole de cette coalition, Louay Safi, a affirmé, au cours d'une conférence de presse tenue à Istanbul, que son organisation ne reçoit plus d'argent de la part des «amis» de la Syrie. Bien loin le temps où cette coalition se voyait accueillie avec tous les honneurs à Tunis, Marrakech et Londres et où les bailleurs de fonds américains, européens, saoudiens et autres se pressaient pour signer les gros chèques. La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : si cette coalition n'a rien pu faire au moment où elle engrangeait les centaines de millions de dollars, que peut-elle faire aujourd'hui avec des caisses vides ? Le problème de cette coalition est qu'elle n'arrive toujours pas à comprendre ce qui lui arrive. Elle ne peut pas ou ne veut pas reconnaître qu'elle a perdu toute utilité, tout attrait, qu'elle est dévalorisée, démonétisée par deux données essentielles qui dominent actuellement la situation sur le terrain : la résistance du régime de Bachar Al Assad et l'émergence de l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech pour les intimes) qui s'est doté il y a quelques jours d'un « calife » qui ambitionne de diriger un milliard et demi de musulmans et de surpasser ainsi l'autorité du PCC qui dirige, lui, seulement un milliard deux cents millions de Chinois. Depuis des mois, les forces de Bachar Al-Assad ne se contentent pas de résister, mais de gagner du terrain sur le compte de l'opposition armée. La plus récente victoire fut enregistrée à Homs il y a quelques mois quand l'opposition fut contrainte à la reddition. Le même scénario risque de se répéter avec Alep où les forces gouvernementales sont en train d'encercler la ville en vue de la soumettre à un siège qui ne laisserait plus à l'opposition qu'un seul choix : fuir ou se rendre. Dans la conférence de presse susmentionnée, Louay Safi n'a pas manqué de mettre en exergue « le contraste entre l'opposition qui ne reçoit plus d'aide et les forces gouvernementales qui continuent de recevoir une aide illimitée de leurs amis iraniens et russes». L'arrêt de l'aide, autrefois massive, aux «amis de la Syrie» s'explique par le désarroi dans lequel se trouvent tous ceux, Américains, Saoudiens, Français, Britanniques, Turcs, etc., qui ont misé sur une chute rapide de Bachar et qui se retrouvent aujourd'hui avec un régime qui résiste et qui gagne du terrain, mais aussi et surtout avec une formidable force composée de dizaines de milliers de jeunes fanatisés à l'extrême et impatients de mourir pour une place au paradis et les «houris aux grands yeux» qui les y attendent. Maintenant, des choses l'une. Ou les instigateurs de la chute de Bachar étaient animés d'une bonne intention et voulaient tout le bien du monde pour le peuple syrien, et là leur échec est d'une ampleur inouïe. Ou alors ils étaient animés d'intentions diaboliques et voulaient non seulement la déstabilisation de la Syrie, mais de la région entière, et là leur réussite est d'une ampleur inouïe aussi. Mais quelles que soient les intentions de départ, les résultats de la stratégie anti-Bachar de 2011, tout comme les résultats de la stratégie anti-Saddam de 2002-2003, ont abouti à des situations qui dépassent en horreur les scénarios les plus cauchemardesques. La conjonction des deux crises sous la férule de l'Eiil risque d'accélérer l'effet domino, compte tenu de la détermination et de l'aventurisme aveugle des terroristes de Daech d'une part, et, d'autre part, de la fragilité et de la faiblesse du Liban et de la Jordanie, sans parler des pays du Golfe qui commencent à être pris de panique. La panique commence à gagner aussi les grandes puissances instigatrices de cette déstabilisation de proportions bibliques qui s'empare de la région. Elles semblent perdues et n'ont pas la moindre idée sur la stratégie à prendre face à des dizaines de milliers de jeunes fanatisés et convaincus que plus ils redoublent de violence et de cruauté envers les « ennemis d'Allah », plus ils sont aimés par Lui et récompensés dès qu'ils trépassent. Onze ans après le renversement de Saddam, ceux qui ont cherché et provoqué sa chute, qu'ils le reconnaissent ou non, ne peuvent pas ne pas s'en mordre les doigts d'avoir mené l'Irak à la situation où il se trouve. Trois ans après la mise en place de la stratégie de renversement de Bachar, les instigateurs de cette stratégie regrettent déjà, et leur priorité n'est plus comment renverser le régime syrien, mais comment arrêter les hordes de terroristes qui sèment la désolation là où elles passent.