C'est une bataille perdue d'avance que livre l'actuel président du club du Bardo. Pour lui et pour le Stade Tunisien... A l'instar de tous les présidents arabes (qu'ils soient d'Etat, de société, d'organisme ou de club), le plus dur, c'est de partir. En tout cas, jamais à temps, rarement la tête haute, toujours avec des dégâts. La notion de mission, d'étape et de passage de témoin, ils ne connaissent pas, ou alors ils feignent de l'ignorer, en s'accrochant jusqu'au bout et en se faisant en définitive balayer par l'inexorable déterminisme historique. Surtout, surtout, c'est cette politique de la terre brûlée et du «après moi, le déluge» qui caractérise les fins de règne du côté de chez nous. Décidément, Bourguiba et Zaba ont fait bien des émules et il ne suffit pas de regarder du côté de Carthage, de la coupole du Bardo, de Montplaisir ou du Lac pour comprendre que les Arabes et les Tunisiens ont, définitivement, un rapport très malsain avec le pouvoir. Prenez l'exemple du Stade Tunisien. Tout comme le pays, il a connu le pire et, presque, touché le fond après deux règnes de Hamadi Ben Salem et de Hédi Ennaïfer. Depuis, le Stade Tunisien n'a pratiquement plus connu de paix, ni de résultats (à ce propos et pour l'histoire, les titres ont été l'apanage de l'ère Ben Salem et non celle d'Ennaïfer). En revanche, des présidents des dirigeants, des entraîneurs et des joueurs, le complexe du Bardo (enfin si on peut appeler ça comme ça) en a vu défiler. Des promesses et des illusions aussi, presque aussi nombreuses que les échecs. Sans être un personnage marquant dans la vie du club, Anouar Haddad a été un honnête dirigeant, à l'ombre de Mohamed Achab. Jusqu'à ce que s'ouvrent pour lui les portes de la FTF. Cour des miracles. Jusqu'à ce que les hasards de l'histoire en fassent un président par intérim, puis président du Stade Tunisien au bout d'élections qui resteront dans les annales de notre football. C'est que la situation était tellement «pourrie» au club du Bardo, qu'on eut droit à une assemblée générale folklorique et originale à la fois. Elections dans la rue et votes sur les capots des voitures sous la lumière de torches électriques. Tout le monde a mis cela sur le compte de la révolution, comme on a mis sur le compte d'Anouar Haddad le courage d'avoir pris le club à un moment impossible et de l'avoir sauvé de la perdition. Il n'a pas été seul, mais ceux qui l'ont aidé ont eu la «pudeur» de le laisser jouir des applaudissements. Sauf que la donne, aujourd'hui, a changé et que le «rafistolage» qui a fini par mener le club au bord du gouffre ne peut plus représenter une solution, ni un projet pour un club qui a besoin d'autre chose pour, dans un premier temps, continuer à exister puis, dans une seconde étape, renaître à son prestige passé. Or, ceux qui veulent du bien au club et ceux qui sont disposés à passer à la caisse (mais plus à fonds perdus, qu'ils soient sportifs ou financiers) sont persuadés que Anouar Haddad n'est pas l'homme de la situation. Sans s'attaquer à l'homme, l'humilier ou le harceler. Non, rien de tout cela, mais avec l'espoir et la volonté de le convaincre à passer la main et à offrir le témoin à quelqu'un d'autre et à d'autres hommes capables de conduire le projet du renouveau du club. Un projet moderne et ambitieux à la fois, qui rompt avec les méthodes du passé et qui inscrit le club dans le futur et dans la durée. Le problème, c'est que Anouar Haddad refuse de partir. Ou alors, il se pourrait pour peu qu'on lui assure un chèque de plus de 200 mille dinars. Or, les bailleurs de fonds ne sont pas sûrs que l'actuel président du ST a engagé son propre argent pour le sauvetage du club. Du moins pas cette somme. Et, dans tous les cas de figure, il ne pourra pas rester à la tête du club car il risque de connaître (et le ST avec lui) le même sort que son prédécesseur. Entre-temps, ça urge. Le Stade Tunisien a besoin d'argent et de renforts pour attaquer la prochaine saison. A défaut, son sort est connu d'avance. Celui de Anouar Haddad également. A très court terme. Il aurait pu se contenter d'être l'homme du sauvetage et partir par la grande porte. Il est encore temps. Il n'a qu'à regarder derrière lui. Mais la question qui se pose, aujourd'hui, est de savoir combien il résistera et quel prix payera le Stade Tunisien d'autant que Anouar Haddad sait qu'il est désormais un homme seul!