La série Klem Ellil a vu le jour sur la scène d'El Teatro, un peu pour traiter de la Tunisie post-Bourguibienne. C'étaient des suites succulentes admirablement servies par Jebali, Raouf Ben Amor, Kamel Touati et feu Mahmoud Larnaout. Elle est revenue en 2013 sous le titre suggestif de Zéro virgule, boutade lancée par des politiciens post-14 janvier. Et c'est cette version que le Festival international de Hammamet a choisie à l'occasion de son ouverture le mardi 15 juillet. Petits instants de troubles entre public et caméras de télé, mais vite les choses se sont tassées. Le théâtre de plein air a merveilleusement épousé la pièce en continuelle mutation, qui a subi, à l'occasion, quelques retouches et autres modifications au niveau scénique. Le travail de la lumière y est sublimé et l'effet est décuplé. Cela n'a pas manqué d'apporter une force esthétisante au spectacle, surtout à travers les différentes projections. Sur scène, les trois compères Taoufik Jebali, Raouf Ben Amor et Naoufel Azara, arborant le même masque, sont des simulacres d'êtres, des non-corps qui s'animent dans une morgue pour découvrir que la répression leur a fait perdre leurs traits et que, désormais, ils portent le même visage. S'ensuivent les différents tableaux sordides et absurdes à l'allure de fantasmes politicards, aux situations indécentes et insolentes et aux propos cruellement drôles (les jeux de mots étant des fois un peu trop faciles et prévisibles!), qui se laissent percevoir dans cette vague de l'implicite et du non-dit. Dans Klem ellil zéro virgule, on pisse comme on pleure sur les fausses promesses d'un bleu (celui du vote) que l'on croyait libérateur. La mort tisse sa toile et abreuve la pièce, elle est d'autant plus présente avec les mots shakespeariens prononcés en anglais par Raouf Ben Amor dans des monologues d'Hamlet ou de Macbeth. Allusions faites à tous ceux qu'on a enterrés, à tous ces corps inertes trimballés et à leur mémoire bafouée. Un mort rejoint, à un moment donné, la bande, à travers sa présence masque : feu Larnaout.