Daech n'est pas un mouvement terroriste comme les autres. Il dispose, pour atteindre ses objectifs, de moyens humains et matériels très importants et d'une assise dans les pays où il opère et jouit d'une couverture de la part de plusieurs puissances de la région et d'ailleurs. Jamais ces dernières ne l'avaient classé comme organisation terroriste ! Cet «Etat» dont les groupes armés occupent des territoires vastes en Irak et en Syrie est jusqu'ici mal appréhendé par les observateurs et analystes. Par ailleurs, les prises de position vis-à-vis de cette création des ténèbres pas si tranchée qu'on l'imagine ne font qu'ajouter au flou sur ce qui est aujourd'hui une véritable machine de combat adossée à une solide assise financière et disposant d'une logistique jusqu'ici inconnue des groupes traditionnels qui opèrent partout dans l'espace moyen-oriental. On affirme partout que c'est une branche d'Al Qaïda ! Il est vrai qu'il partage avec cette nébuleuse les mêmes référentiels «religieux» et vise, à quelques différences près, les mêmes objectifs, dont l'instauration du Califat qu'il a déjà proclamé, mais de par sa liberté dans l'action, il est clair qu'aucun lien organique ne le lie à cette mouvance. Il agit pour son propre compte et ses rapports avec le chef d'Al Qaïda installé en Afghanistan sont souvent conflictuels. Les combats qui l'opposent au front Al-Nosra en Syrie et aux autres groupuscules qui ont tous fait allégeance à Aymen Edhaouahri montrent que Daech est totalement indépendant et ses visées sont hégémoniques sur ces mêmes groupes auxquels il exige d'ailleurs allégeance. Les différences pourraient s'avérer capitales, pour comprendre cet «Etat», percer un tant soit peu ses secrets et le situer par rapport aux autres groupes terroristes ainsi que dans ses supposés rapports avec certaines puissances de la région dans la mesure où il semble jouir d'une couverture extraterritoriale certaine dans l'espace moyen-oriental. Percer dans les secrets de cet «Etat» ! D'où vient-il ? Quelles sont les origines de ses troupes bien entraînées et bien équipées ? D'où vient son trésor de guerre intarissable ? Enfin, a-t-il des accointances réelles avec certains Etats de la région et d'ailleurs ? L'appellation est en elle-même évocatrice. L'espace initialement visé comprend l'Irak, l'ancien Levant ou grande Syrie (Syrie, Liban et Palestine et la Jordanie qui en faisait partie avant le mandat britannique). Ce qui au sud et au nord de cet espace ne figure pas dans les plans des chefs de l'Eiil. Par contre, pour le Maghreb, tout dépendra de ce qui va advenir de ses possessions actuelles au Machreq et de l'évolution sur le terrain, selon qu'elle lui est ou non favorable. Cela dit et pour revenir à notre première question, il est intéressant de remarquer que Daech recrute partout dans le monde, mais dispose de solides assises dans les pays où il mène sa guerre. En Irak, notamment, certains chefs de clans et de tribus font partie de ses composantes et mettent à sa disposition moyens humains et matériels. En Syrie, c'est aussi le cas mais à une moindre échelle. Au Liban, ces chefs ont leurs entrées auprès de certains dirigeants et politiques du pays ! Pour ce qui est des effectifs de cet «Etat», ils sont évalués entre 100 et 150 mille hommes répartis dans la région de combat et dans leurs bases arrière où ils reçoivent entraînement et équipements les plus variés et les plus sophistiqués allant de la simple Kalachnikov au missile sol-air. Quant à leur trésor de guerre estimé à des centaines de millions voire quelques milliards de dollars (on ne dispose pas de chiffres exacts), au départ il est alimenté de fonds occultes appartenant soit à des organisations et associations dites de bienfaisance, soit à des riches de la région du désert d'Arabie. Aujourd'hui, l'Eiil qui s'est installé dans des régions entières, prélève impôts et dîme. Il exporte du pétrole en contrebande, à très grande échelle, vers la Turquie !? La contrebande vers ce pays ne se fait pas à dos d'âne ou de mulet, comme c'est le cas chez nous, mais avec des camions citernes de dizaines de tonnes de capacité. Cela se fait au grand dam des pays amputés de pans entiers de leurs territoires et occupés par ces terroristes, mais se fait aussi à la grande joie des Turcs qui profitent de la situation de chaos qui règne chez leurs visions et dont ils sont en partie à l'origine. Ceci nous amène d'ailleurs à parler des rapports de Daech avec le voisinage des pays où il opère. Des rapports concordants se basant sur des faits et des renseignements puisés auprès des services secrets affirment que l'Eiil n'est pas un groupe terroriste comme les autres. Ces derniers cherchent par des actions spectaculaires à déstabiliser les régimes qu'ils visent à semer la terreur parmi les populations mais ne pouvaient aller plus loin en raison de leurs moyens limités, contrairement à cet Eiil qui vise la création d'un véritable Etat. Il est selon toute vraisemblance encouragé par les puissances de la région et d'ailleurs. Ceci explique d'ailleurs cette attitude peu ferme à son égard de la part des gouvernements moyen-orientaux et même occidentaux. Pas un seul de ces pays n'avait déclaré l'Eiil comme mouvement terroriste, contrairement au front Al-Nosra. Même au Conseil de sécurité on n'a jamais usé de ce qualificatif pour le désigner comme tel. On entend par-ci et par-là beaucoup de déclarations condamnant les actes terroristes ou les exactions des terroristes qui opèrent en Syrie, comme en Irak et récemment au Liban, mais on n'a jamais désigné clairement Daech. Au contraire, dans ces pays on considère ce qui se passe actuellement en Irak comme étant une révolte contre le pouvoir de Nouri Al Maliki, le Premier ministre chiite, et non pas des menées terroristes. Cette attitude est la même chez les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux. Ceci s'inscrit clairement dans la ligne droite de cette lutte d'influence entre les pays de la péninsule d'Arabie et l'Iran, qu'on soupçonne de vouloir créer une zone d'influence chiite allant d'Iran en passant par l'Irak pour aller jusqu'en Syrie et au Liban où se trouve le Hezbollah. Ceci explique cela: on dirait que la réplique à ce dernier a été trouvée par ses détracteurs, elle s'appelle Daech ! Méditons bien cela et on comprendra pourquoi ce dernier est de plus en plus fort et ira de cesse d'étendre son influence dans le pays où il opère et dont les armées sont incapables de l'en déloger. Mais Daech outre qu'il soit le bras long de certaines puissances tout en ayant une assise là où il se trouve a d'autres visées qui vont au-delà de cet espace et jusqu'au Maghreb. Il constitue une véritable menace surtout pour notre pays où nous avons affaire à Ansar Echaria dont leur chef se trouvant en Libye a fait allégeance à son chef. Une menace réelle et sérieuse avec l'état d'un non-Etat qui règne en Libye et avec ce flux de réfugiés et visiteurs venant de ce pays. La Tunisie seule ne pourra pas parer à ce danger imminent. Une réelle coordination avec l'Algérie est plus qu'une urgence pour notre pays. Et l'on devra s'y atteler pour qu'une telle coordination entre en vigueur, car, et ceci il faut bien le retenir, si par malheur l'Eiil s'attaque à la Tunisie aucun pays ne viendra à notre rescousse ni du Machrek ni du nord de la Méditerranée, car cette situation, qu'on se le dise clairement, fait partie de la stratégie de ceux qui ont initié ce qu'on appelle le chaos créateur. Al Qaïda a fait son temps, Daech prend le relais mais avec des moyens encore plus importants et une sorte de couverture à peine voilée.