Deux heures d'un concert où le spectacle était le maître-mot et où l'image donnait la réplique au son... Voilà, c'est fait : la star tant attendue par ses fans tunisiens a donné son concert, lundi dernier, dans le cadre du cinquantième anniversaire du Festival International de Carthage. J'ai nommé Stromae (maestro en verlan), qui n'en était pas à son premier passage sur le théâtre antique, puisqu'il était déjà venu, il y a deux ans de cela, pour participer au festival de la jeunesse. Après ce passage discret — à peine 20 minutes —, il revient en the star du festival. L'annonce même de sa programmation à Carthage (première date annoncée par le festival) avait suscité une grande liesse : les billets se sont vendus comme des petits pains et le concert affichait complet depuis bien des semaines. Les gens ont commencé à affluer vers 17h00, apprend-on. A 21h00 à peine, une queue immense occupait toujours le chemin qui mène du grand parking au site antique, alors que les gradins étaient déjà tous occupés. La moiteur de cette nuit du 11 août 2014 n'a pas eu raison de la mobilisation de ses fans et il régnait une ambiance festive à Carthage. Le lancement d'une animation stylisée en noir et blanc sur l'écran de projection, où l'on voit évoluer le personnage de Stromae, annonce son entrée sur scène. Quatre musiciens (synthétiseur et basse), habillés façon Stromae, l'attendaient. Et c'est l'euphorie quand il apparaît sur la scène avec son style vestimentaire bien singulier — bermuda, chemise, débardeur et nœud papillon —, accueilli par un tsunami d'applaudissements. Il y répond en chansons, en enchaînant deux morceaux de son album «Racine carrée», avant de s'adresser à cet immense public. Un grand performer : Le sens du spectacle, de la scénarisation et de la mise en scène qui fait la singularité du chanteur belgo-rwandais était là, bien palpable à travers un admirable travail de vidéo qui accompagnait ses morceaux-performances. Plus que de la narration, les animations apportaient une lecture autre à son spectacle. Ce fut, entre autres, le cas dans son morceau «Quand c'est?», qui parle du cancer (dénonce l'industrie du tabac entre autres), représenté en images par une sorte d'araignée noire menaçante, avec ses longues pattes. A la fin, elle se fond en tache noire et finit par occuper tout l'écran... La mise en scène était là aussi, avec un grand sens de la tchatche, surtout dans le morceau «Tous les mêmes». L'artiste y entraîne son public dans sa «leçons n° 24», en introduisant, in situ, à chaque fois, un instrument et son apport dans la chanson, se débarrassant, en même temps de ses chaussettes pour enfiler des bas-collants et une veste (la même que dans le clip où il est à moitié maquillé en femme). Il enchaîne avec des morceaux de son deuxième album, «Racine carrée» (2013), un succès commercial où l'influence afro est assumée avec le son des percussions lourdes ; «Formidable» (qui aborde les problèmes du couple), auquel le public répond en applaudissant. Ça chauffe encore plus avec la chanson qui a fait son succès, «Alors on danse», tirée de son premier album «Cheese», écrit et composé dans sa chambre en 2009, accompagnée d'un impressionnant travail de V-Jing. Son morceau «Papaouté», où il est habillé avec la même tenue que dans le fameux clip, finit par enflammer le public et à déchaîner la foule. Des rythmes africains enrobent, vers la fin, le morceau. Stromae prend le temps d'introduire son équipe : les musiciens, vidéaste, au son et à la lumière, et disparaît en nous laissant le temps d'apprécier la dernière vidéo (magnifique!) avant de réapparaître pour interpréter, avec ses musiciens, une version a capella de «Tous les mêmes». Près de deux heures d'un succulent concert où le spectacle était le maître-mot et où l'image donnait la réplique au son. Une standing ovation pour remercier le jeune artiste de tant de talent... Bravo Maestro!