Bientôt, la rentrée scolaire. Comme d'habitude. Comme tous les ans, des dizaines de milliers d'élèves et d'étudiants feront leur rentrée. Comme tous les élèves et les étudiants, ils s'armeront de fournitures scolaires et attaqueront immédiatement les cours particuliers dans les matières dont le coefficient vaut le coup. Comme tous les jours, ils partiront. Comme tous les soirs, ils reviendront et se rueront, par ordre de mérite, sur Facebook, sur la télévision et accessoirement sur leurs devoirs. Comme d'habitude. Comme des casseroles, les plus riches ont inscrit leurs enfants dans des institutions privées. Les plus pauvres ont opté pour l'école publique. Comme il n'y a que les notes qui comptent, parents et enfants seront contents lorsque l'année est couronnée par un succès et tristes à mourir s'il faut refaire tous les sacrifices. Comme par hasard, où qu'on se trouve, à Tunis, à Gafsa, Sfax, le Kef ou Tabarka, toutes les rentrées, tous les élèves, tous les parents se suivent et se ressemblent. Comme d'habitude. Comme dans un poulailler industriel, ces poules et ces œufs alternent dans un cycle infernal et se transmettent de génération en génération la fadeur et l'anonymat. Comme elle était belle l'époque où, à l'école, le vendredi après-midi, tous les élèves étaient conviés à faire du théâtre, de la musique, du sport. A regarder des films. A débattre d'un bouquin. Comme elles nous manquent ces maison des jeunes. Ces clubs jeunes-sciences. Ces colonies de vacances. Ces Maisons de la Culture. Ces ciné-clubs. Fini, tout cela. Comme je n'ai pas la mémoire courte, je n'oublierai jamais que des milliers de talents sont sortis des lycées, de Beïn el Maâhed. Comme il n'y a plus rien à l'école et que la nature a horreur du vide, les conservatoires privés ont ouvert leurs portes sous le signe du dinar et ont donné naissance à une génération de musiciens solitaires qui jouent seuls chez eux, comme des alcooliques anonymes. Comme tout est argent et piston, les parents ne peuvent plus aiguiser le talent de leur enfant comme eux n'ont pu aiguiser le leur. Comme un arbre stérile, la Tunisie a cessé de produire des artistes, des sportifs ou des écrivains. Nous en aurons encore pour plusieurs générations. Comme je dois terminer sur une notre optimiste, j'ai toujours espoir qu'un homme de la stature de Bourguiba survienne un jour dans ce pays et redonne un sens à notre vie. Car, ce que nous vivons aujourd'hui n'est pas une vie. Et ce qui me rend encore plus triste, c'est qu'on s'y est habitué.