Est-ce que le traité de Lisbonne est en mesure d'assurer la mue de l'Union européenne ? Peut-il faire valoir son statut de puissance, comme acteur important sur la scène internationale. Dotée d'une présidence susceptible d'incarner la volonté commune, l'Union européenne traverse une période de transition, de rééquilibrage entre les instances nouvelles de direction, la présidence tournante et le commissaire, qui vient d'ailleurs d'être réélu. La structuration de l'appareil dirigeant ne peut, à elle seule, dynamiser les mécanismes de prise de décision ? La situation requiert, en effet, plus de concertation, pour reconstruire périodiquement le compromis de fonctionnement, sinon la convergence des points de vue. Les observateurs remarquent, en effet, l'importance des divergences entre les membres de l'Union, après avoir réalisé leurs objectifs génériques, à savoir créer le marché unique, bâtir un ordre intégrant l'Europe orientale et envisager son élargissement à la partie européenne de l'Union soviétique. Les Européens n'ont pas, cependant, les mêmes positions sur des sujets essentiels tels que la paix au Moyen-Orient, la Russie et la Turquie. D'autre part, alors que les pays nord-méditerranéens regardent vers leur Sud, les autres essaient d'engager un recentrage vers l'Est. Ces options différentielles ne doivent pas être perdues de vue. Ni mêmes objectifs, ni mêmes horizons. La gageure de l'action internationale commune relève donc d'un parcours d'obstacles, d'un mouvement sur place, assurant la marginalisation de l'Union, ou du moins la redimensionnant comme acteur international. Le Conseil des ministres franco-allemand, réuni au palais de l'Elysée, jeudi 4 février, a exprimé la volonté de la France et de l'Allemagne de renforcer la coopération "pour faire exister l'Europe, au moment où celle-ci voit son influence battue en brèche par le duo sino-américain". Mais la velléité de faire valoir "l'axe franco-allemand" est susceptible de susciter des controverses et des malentendus et d'expliciter la démarcation géopolitique entre les partenaires. Tout cela atteste que l'Europe politique n'existe pas. La proposition allemande, rappelée dans le cadre solennel de la Conférence annuelle de Munich sur la sécurité, le 6 février 2010, par le ministre allemand des Affaires étrangères de créer une armée européenne, "relance une idée mythique", mais sans portée effective. Fait significatif, la Maison-Blanche a confirmé que Barack Obamane se rendrait pas à Madrid au printemps pour un sommet entre l'Union européenne et les Etats-Unis, censé symboliser la coopération entre les deux grandes puissances économiques. Expliquant ce revers, Philip Crowley, porte-parole de la Maison-Blanche, affirme que Barack Obama s'est déjà «rendu plusieurs fois en Europe l'année dernière». Mais les médias européens analysent différemment cette défection. Selon le quotidien britannique le Guardian, par exemple, «l'Europe a manqué son premier test après les nouvelles dispositions introduites par le traité de Lisbonne». "Obama tourne le dos à l'Europe", titrait pour sa part le quotidien espagnol El Pais. "Ce qui est certain, affirme le quotidien espagnol El Mundo, c'est que les Etats-Unis ne sont pas très impressionnés par l'influence, la collaboration et les bonnes manières de l'UE", citant le faible engouement des Européens à envoyer des troupes en Afghanistan et leur rôle marginal au sommet de Copenhague sur le climat. Le Président Obama a jugé qu'il devait se rendre au printemps en Indonésieet en Australie. Ce qui atteste que l'Europe ne fait pas partie de ses priorités. Les déboires de l'Union pour la Méditerranée, qui n'as pas dépassé la phase d'annonce, et les grandes envolées symboliques des discours fondateurs, mettent en valeur la pesanteur qui bloque les ambitions de l'Union européenne. Elle risquerait de fermer son horizon de coopération dans son aire de proximité, qui pouvait constituer son point d'appui ou sa base de repli dans l'économie monde. Nous y reviendrons.