Désormais, le citoyen ne se présente plus comme un simple bénéficiaire des prestations sanitaires. Il fait partie intégrante du quatuor du système sanitaire, avec les professionnels, les experts et les décideurs Le Comité technique du dialogue sociétal sur les politiques, les stratégies et les programmes sur la santé a tenu, hier, à Tunis, une conférence de presse pour annoncer l'organisation de la conférence nationale sur la santé. Cet évènement, qui se tiendra du 2 au 4 septembre 2014 au Palais des Congrès, se présente comme l'aboutissement de deux ans de travail, visant à asseoir les jalons du projet de réforme du système de la santé. Placée sous le slogan «Notre santé un droit et une responsabilité», la conférence nationale sur la santé avancera les ébauches du dialogue sociétal un dialogue élargi, réunissant, en première étape, les professionnels, les citoyens, les représentants de la société civile et les experts. L'objectif de la première étape du projet consiste à dessiner le croquis d'un processus complexe, fondé sur une approche inclusive, pour la création d'un système de santé à même de concrétiser le droit à la santé et de répondre ainsi aux attentes de tous et de chacun. Le projet, rappelons-le, s'inscrit dans le cadre d'un partenariat établi entre le ministère de la Santé d'une part et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de l'autre. La Tunisie, en phase transitionnelle, s'est déclarée partante pour une mutation qualitative tant attendue du système de la santé. Prenant la parole, M. Fayçal Ben Salah, président du Comité technique du dialogue sociétal, présente d'emblée son équipe. Il s'agit, en effet, d'un comité technique indépendant, mandaté par le ministère de la Santé afin de mener à bien le processus de réforme. Constitué de 72 membres, dont des experts et des représentants des institutions et de la société civile, il a réussi, en un premier temps, à élaborer une feuille de route et une charte pour le dialogue sociétal. « Ce dialogue devrait nous apporter des réponses à la question problématique suivante : comment le système de santé pourrait-il concrétiser le droit à la santé ? Aussi a-t-il fallu, d'abord, orienter le dialogue en tenant compte des quatre groupes thématiques de base, à savoir l'accès aux soins, les déterminants socio-sanitaires, le droit à la santé et l'indispensable réadaptation du système aux besoins exprimés», explique M. Ben Salah. Diagnostic et dialogue élargi La première étape du dialogue a été axée sur le diagnostic de la situation sanitaire telle qu'elle est vécue par les professionnels de la santé, d'une part, et par les citoyens ou les bénéficiaires des prestations sanitaires, d'autre part. L'implication des citoyens dans une approche de réforme atypique, car inclusive, est une première en Tunisie. Le rôle du citoyen devient ainsi capital dans le processus de réforme. Il est indéniablement l'un des quatre principaux acteurs en matière de santé, de même que les professionnels, les experts et les décideurs. L'équipe engagée dans le diagnostic, comptant des bénévoles et des étudiants, s'était déplacée dans les régions pour interpeller les citoyens. « Nous avons discuté avec pas moins de 3.400 personnes, citoyens et professionnels, dans le cadre notamment de quelque 150 séances d'écoute. Suite à ce diagnostic, nous avons rédigé 48 rapports déterminant les appréciations, les critiques, les attentes et les suggestions des citoyens et des professionnels de la santé, représentant les 24 gouvernorats. L'idée étant de s'entendre sur l'ensemble des valeurs et des attentes des Tunisiens en matière de santé », renchérit le responsable. Il est à souligner que l'implication des citoyens dans ce processus se traduit, en outre, par la création d'un nouveau statut : le jury-citoyen. Il s'agit de citoyens proposés par les ONG pour représenter leurs régions dans ce projet. Ils seront 91 à avoir leur mot à dire. Tout ce travail a, finalement, débouché sur l'élaboration d'un document de référence, formulant une vision prospective sur les politiques, les stratégies et les programmes de santé. Ce document sera discuté au cours de la conférence nationale sur la santé et fera, sans doute, l'objet d'enrichissements et de rectifications apportés par les 300 participants attendus. Au troisième jour de la conférence, le Comité technique annoncera la déclaration de la conférence. Les participants seront, également, appelés à s'exprimer sur le contenu de cette déclaration et sur sa mise en œuvre. «Le plus dur reste à faire» De son côté, M. Ramzi Bouzid, universitaire et facilitateur du dialogue, s'interroge sur les étapes ultérieures. «Le citoyen a pris l'habitude d'être déçu quant aux rapports et recommandations sans suites ni résultats. Aujourd'hui, l'approche que nous adoptons est toute autre. La conférence nationale n'est que le commencement d'un travail de longue haleine. Elle sera accompagnée d'une étape de mise en œuvre et d'une étape de suivi et d'évaluation, pour lesquelles il convient de créer les mécanismes appropriés. Le plus dur, donc, reste à faire», indique M. Bouzid. Mme Imene Jaouali, facilitatrice, souligne l'importance des données recueillies lors du diagnostic. « Nous avons œuvré dur, deux ans durant, pour toucher à tous les centres d'intérêts des citoyens, dans toutes les régions. Les 48 rapports ont été rédigés dans une version nouvelle, qui ne tient pas seulement compte des données chiffrées mais qui renseigne, en plus, sur les attentes, les critiques et les suggestions des citoyens ce qui est important dans l'élaboration d'un système de santé novateur et performant», explique-t-elle. M. Jamel Chrigui, porte-parole et président de l'unité de gestion du dialogue sociétal, insiste de son côté sur le rôle des citoyens dans la réussite du projet. Pour lui, les responsables de la santé seront, désormais, mandatés par les citoyens. Les médias, outre le rôle de diffuseur d'informations, joueront également le rôle d'observateurs. Le projet sur les politiques, les stratégies et les programmes en matière de santé commencera, probablement, à donner véritablement ses fruits à l'horizon 2030.