Par M'hamed JAIBI A l'heure où l'on pensait que la partie était jouée et que «les jeux étaient faits», de nouvelles donnes émergent prétendant tout remettre sur le tapis. Le sort des élections appelées à finaliser la transition démocratique et à stabiliser, enfin, les institutions de la République connaît, effectivement, dans les coulisses, une hâtive et fiévreuse renégociation. Certes, la candidature aux législatives est close et les candidats sont connus, tout comme l'essentiel des postulants à la présidentielle. Certes, la bipolarisation agrémentée qui semble devoir prévaloir au sein de la prochaine Assemblée ne pourra sans doute pas être vraiment remise en cause. Mais, au-delà des équilibres laborieux mis en place dans le texte étriqué de la nouvelle Constitution, la configuration effective du régime se jouera vraisemblablement dans les fébriles tractations de ces cinq dernières minutes, à travers les profils suggérés et le rôle que les uns ou les autres veulent attribuer au futur président de la République. Sans préjuger des choix finaux des électeurs, lesquels sortiront des urnes, il est utile de passer en revue les hypothèses suggérées par les multiples sondages qui se sont succédé durant maintenant plus de deux ans. Mais, alors qu'il était généralement admis que l'on s'acheminait, de ce fait, vers un possible partage du pouvoir entre un BCE difficile à déloger des premières loges au niveau des intentions de vote pour la présidentielle, et un pouvoir législatif qu'Ennahdha souhaite être en mesure de contrôler, de nouvelles cartes se dévoilent relançant le suspense. Trois petits événements donnent l'impression que les scénarios admis sont, mine de rien, retouchés de fond en comble. Sans que le verdict ne soit assuré dans un sens ou un autre : la désaffection de Omar S'habou et de Noureddine Ben Ticha... vis-à-vis de Caïd Essebsi, suivie du ralliement de Kamel Jendoubi et de Tahar Ben Hassine au camp de Kamel Nabli, la campagne implicite en faveur de la candidature de Mehdi Jomâa à la présidentielle, le retour, présenté comme triomphal, de Mondher Zenaïdi. Ces trois éléments, qui s'ajoutent à certains tiraillements apparus à Nida Tounès et avec ses alliés de l'Union pour la Tunisie, lors de la finalisation des listes de candidats pour les législatives, sont susceptibles de porter un flou sur les pronostics avérés. Au moment où le nombre des candidats menace de torpiller la portée du premier tour, un pressing se fait jour pour affaiblir les chances de Béji Caïd Essebsi, y compris au sein même du camp moderniste qui se craquelle quelque peu, prêtant le flanc aux légitimes «manœuvres politiques» d'Ennahdha consistant en l'appui à un candidat non désigné qui soit à la fois consensuel et, semble-t-il, en bons termes avec le FMI. Sachant qu'aussi bien Kamel Nabli que Mehdi Jomâa pourraient bien être l'oiseau rare capable de satisfaire les attentes des institutions financières internationales, et qu'Ennahdha dément toute intention de songer à Jomâa. Quant à Mustapha Ben Jaâfar, il se pourrait bien qu'il soit en mesure de tirer profit des reconfigurations en cours en apparaissant comme étant largué par Ennahdha, et donc reprenant son indépendance. Mais sera-ce suffisant ? Ce alors que la gauche radicale, étant acquise à Hamma Hammami, ne votera au premier tour ni pour Béji Caïd Essebsi ni pour Kamel Nabli, encore moins pour un destourien ex-RCD (Morjane, Zouari ou Zenaïdi), qu'Al Joumhouri est acquis à Néjib Chebbi et qu'Al Massar fait mine d'hésiter entre Caïd Essebsi et Nabli. Un Caïd Essebsi dont la santé devient tout à coup au carrefour de la République.