Démarrage du premier cycle de «Caligula» d'Albert Camus sur une mise en scène de Jean-Luc Garcia. Une pièce aussi sobre qu'intelligemment construite. Surprenante partition et belle mise en scène de l'œuvre écrite par Albert Camus, une pièce qu'il décrivait comme étant «une tragédie d'intelligence» et de laquelle il disait «rien n'est plus dramatique que Caligula». Vendredi dernier, la salle d'El Teatro était archicomble. Un publichétéroclite est venu découvrir la première de «Caligula», une création en langue française produite par El Teatro Studio, mise en scène par Jean-Luc Garcia et interprétée par les acteurs Lobna Toukebri, Soufia Chadli, Donia Hnayen, Walid Mufti, Salma Fourati, Mouna Akrout, Boutheina Ferchioui, Nadia Ben Yaala, Adrien Maitrinal, Souheib Oueslati, Hela Fourati, Hela Skhiri et Rim Ben Amor. (Lumières et régie générale: Sabri Atrous et Régisseur Son : Sofiène Ben Youssef). «Caligula», c'est le drame d'un homme droit et valeureux qui, suite à la mort de sa sœur et maîtresse Drusilla, va basculer dans une folie meurtrière irréversible. Dans un décor minimaliste, surgissent des protagonistes aux allures antiques habillés en tuniques romaines. «Tout allait trop bien. Cet empereur était parfait» disait Cherea, un des personnages de la pièce «Oui, il était comme il faut: scrupuleux et sans expérience», répond un patricien. La prise de conscience du non-sens de la vie, la condition de finitude de l'homme , son existence faite de laideur et de misère conduisent Caligula à l'idée qu'il est libre de vivre «sans appel», mais encore capable en tant qu'empereur à faire «vivre ses sujets dans la vérité» et enseigner à toute Rome la liberté. Une sorte de liberté qu'il n'accorde qu'à lui-même et au nom de laquelle il se transforme en monstre sanguinaire et dont les crimes éveillent la révolte du peuple et engendrent la mort du tyran. Afin de montrer la complexité du personnage de Caligula, le metteur en scène a intelligemment et respectueusement traité l'œuvre de Camus. Le personnage de Caligula est fractionné en six aspects et fut interprété par autant d'acteurs. Chaque acteur incarne une des facettes de cet homme «mi-ange, mi-démon, mi-homme, mi-dieu». Un jeu de rôles s'opère aussi et les interprètes incarnent, à la fois, patriciens et esclaves offrant ici et là quelques fulgurances et envolées poignantes. La pièce donne à voir une tragédie dont les images se révèlent aussi sophistiquées que limpides, portées par une illustration sonore dramatique et subtile. Un bon jeu d'acteurs, pour une peinture cinglante de l'inertie politique à travers l'histoire, une évocation de la fragile liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, et une incitation à la vigilance collective, à l'action, face à la menace de régimes totalitaires susceptibles de s'installer partout et tout le temps. Plus que jamais nécessaire à entendre. A voir !