Qu'est-ce qu'un tunisien qui se prépare aux élections ? Portrait dressé dans un documentaire qui tire la sonnette d'alarme. Deux questions se sont posées dans notre esprit tout de suite à la fin de la projection de «sept et demi» destinée à la presse. Pourquoi faut-il voir ce film ? En quoi ce film est-il différent des autres films qui ont été tournés en 2011 en pleine effervescence postrévolutionnaire ? Regarder ce film nous met dans une situation d'autodérision d'une situation d'immense ardeur qu'on a vécue après le 14 janvier. C'est à croire qu'on regardait d'anciennes vidéos nous représentant encore enfants avec ces airs débiles et dans des situations qui arrachent des rires à cet adulte qui se découvre en flagrant délit de bêtise. En effet, regarder ce film revient à se placer devant un miroir qui nous renvoie l'image d'un peuple en plein délire politique, qui rêve de démocratie et de liberté politique alors qu'il n'y a aucun parti politique pour transformer les slogans en réalité palpable . Un peuple à qui on tend un miroir pour la première fois de sa vie et qui se demande si c'est bien lui ? Un peuple qui ne se connaît pas. Et c'est une impression qui nous cravache à la fin du film. «Quelle immense bêtise que ce jeu politique dans lequel nous nous sommes fourrés alors qu'on était pleins d'ardeur», serait tentée de dire une personne avertie. L'originalité de «sept et demi» tient surtout dans cet aspect : la force de voir les choses avec recul. Et cela est tramé par une grande maîtrise de l'outil cinématographique. Nous ne pouvons pas ici ne pas parler du montage très bien réussi qui donne au film une vitesse de croisière qui lui évite tout ronronnement. C'est ce qui amène la réponse à la deuxième question : le film est différent des autres films tournés à la même époque parce qu'il nous permet de porter un autre regard sur nous-mêmes grâce à cette distance qu'il prend avec le passé . «On doit regarder ce film et se souvenir, a déclaré le réalisateur Néjib Belkadhi ; avec ce film, je veux contribuer à la mémoire collective. C'est vrai que le recul m'a permis de découvrir une autre réalité. Avec les centaines d'heures que j'ai mises pour le tournage, le film aurait pu aller dans un autre sens si je l'avais monté aussitôt. C'est un film sociopolitique, mais c'est aussi un film citoyen. Et en tant que citoyen, j'ai voulu suggérer cette idée : ne pas oublier». Le film est, avant tout, un portrait politique mais aussi social du tunisien entre le 14 janvier et le 23 octobre 2011, date des premières élections historiques de la Tunisie. Tourné entre la capitale et des bourgades éloignées, le documentaire a décrit la marche délirante des Tunisiens vers les élections du 23 octobre ainsi que la naissance en masse de ces partis qui se préparaient à acquérir le pouvoir en 2011. Les partis les plus en vue y passent : Ettakatol, Ennahdha , le CPR entre autres avec des témoignages presque insolites de Moncef Marzouki ,de Slim Riahi ou de Béji Caïd Essebsi. Mais le documentaire ne se perd pas dans le bouillonnement des partis, il sonde aussi l'esprit des citoyens (avec beaucoup d'humour) qui se préparaient à ce premier rendez-vous avec l'histoire que sont les élections d'octobre 2011. Répondant à la question de savoir pourquoi le titre du film fait référence au chiffre «7», le réalisateur répond que c'est un chiffre qui a marqué les tunisiens «culturellement» à tel point que l'un des personnages du film lâche un lapsus très significatif : le 23 octobre 2011 en pleines élections dans une école, il crie «vive le RCD» alors qu'il voulait exprimer sa joie en ce jour d'élections libres.