En cette période électorale, les candidats à la députation et à la présidentielle se lancent dans la course effrénée des promesses, c'est à qui mieux mieux. Une sorte de compétition. De surenchère. D'inflation vertigineuse. A les entendre discourir, si le peuple avait l'intelligence de les élire, on vivrait dans la cité idéale de Platon. Les candidats, emportés par la fougue, promettent la chose et son contraire. Mais comme la démocratie ne consiste pas à choisir le meilleur, hélas, mais le plus convaincant. Regardons ce qui se passe dans les démocraties. Donc, la mauvaise foi n'est jamais loin. Les électeurs doivent être avisés, prudents et même méfiants. Florilège des promesses qui reviennent le plus souvent et auxquelles vous n'échapperez pas. Nous allons nous occuper des zones oubliées et du développement régional. Oui, mais de quelle manière? En créant une infrastructure et des conditions de développement local ou en faisant des transferts de richesse vers les régions déshéritées? Il faudra se méfier de tous ceux qui promettent les rentes et l'assistanat. Le mieux qu'il y a à faire, c'est la promotion des valeurs de mérite, de travail, de productivité, de rendement. Nous allons développer le tourisme culturel, créer des circuits touristiques, l'arrière-pays dispose d'un patrimoine très riche. Comment? Où trouver les sources de financement pour promouvoir des secteurs qui requièrent beaucoup de moyens? En bradant nos richesses aux étrangers, par exemple, aux Qataris ? Nous allons créer des emplois, deux cent mille, quatre cent mille... Comment? La création de l'emploi ne se décrète pas. Elle est liée exclusivement à l'investissement et à la croissance, au rendement et à la rentabilité. Il faut déjà commencer par pacifier le pays pour ne pas saboter le tourisme et pour attirer les investisseurs. Il faut faire de la Tunisie un pays propre, ouvrir les décharges par la force publique, s'il le faut, et faire respecter les règles du code du travail. Sanctionner les agents de la municipalité qui perçoivent des salaires et ne font pas leur travail. Or, ce sont des mesures impopulaires qu'aucun candidat n'oserait mettre en application et encore moins révéler en campagne électorale. Le terrorisme a été enfanté par Ben Ali et il prend naissance dans la pauvreté. Sans Ben Ali, il n'y aurait pas de terrorisme. Ben Ali a sa part de responsabilité, mais le terrorisme est un phénomène régional et mondial, il n'est pas local, ou pas uniquement. En outre, il n'est pas le monopole des pauvres. Des gens très riches et qui vivent dans une opulence outrancière tels que les Saoudiens ne cessent d'alimenter le réservoir des terroristes à travers le monde. Ainsi, quand on est pauvre, on lutte pour la justice et l'équité, pour ses droits civiques et économiques, on ne proclame pas un retour de 14 siècles en arrière et sous ce prétexte, on égorge les hommes et on réduit les femmes en esclavage pour les offrir aux plus offrants. C'est vrai que le terrorisme s'accommode du manque de liberté et de l'indigence. C'est vrai qu'il est favorisé par l'exclusion. Mais il ne faut ni le justifier, ni l'excuser. Il est un mal en soi. Le terrorisme représente une ligne rouge, il est intolérable, inacceptable. Il faudra voter pour celui qui paraît le plus résolu à le combattre. La Tunisie a besoin de gens déterminés pour gagner cette guerre. Nous allons nous occuper de l'éducation, revoir les programmes scolaires et améliorer le niveau du système public. De quelle manière? Si les instituteurs, les professeurs du secondaire et même certains universitaires, les assistants notamment, ont besoin d'une mise à niveau globale, afin de pouvoir enseigner et produire des générations de lettrés. Comment, si les fédérations syndicales appliquent toutes sortes de chantage tout au long de l'année scolaire. Comment, si l'absentéisme du personnel enseignant partout dans les écoles, les collèges, les universités sème déjà le désordre et l'année scolaire commence à peine. Nous allons faire des lignes de TGV et désenclaver les régions isolées. Comment ? Avons-nous les moyens de le faire ? La récente proposition d'un candidat en a fait sourire plus d'un. Il a proposé deux lignes de TGV du nord au sud, une jusqu'au sud-ouest et l'autre jusqu'à Ben Guerdane. Il faut compter 100 à 200 milliards de millimes par km construit, selon la zone traversée, le relief, etc. Et, si nous avons bien compris, il faudra construire entre 800 à 1.000 km. Un projet qui coûterait, selon les spécialistes, au moins 15.000 milliards de millimes (vous avez bien lu).C'est-à-dire 15 ou 20% du PIB tunisien, pour une rentabilité impossible. Car il faudrait qu'il y ait suffisamment de voyageurs qui acceptent de payer un prix du billet assez conséquent. Nous allons optimiser les moyens de l'armée et de la police et stopper l'écoulement des armes dans notre pays. Comment ? C'est une promesse agréable à entendre et qui ne coûte rien à celui qui l'exprime. Nous allons lutter contre la contrebande. De quelle manière? Si on arrête un contrebandier, dix le remplacent le jour même. De notoriété publique, les contrebandiers sont généreux. Et donc, ils bénéficient d'une logistique parfaitement rodée dans les régions limitrophes, de la complicité d'une certaine partie de la population et d'un nombre limité, heureusement, des agents des corps constitués. Oui, il faut stopper la contrebande, les activités illégales, et tout le non-droit. Mais il faut nous dire comment vous comptez vous y prendre. Là, on vous croira. Nous allons revoir le système fiscal pour le rendre plus équitable. Comment? Alors que les lobbies des différents secteurs d'activités et ceux des professions libérales font la loi, et que d'autres truquent leurs déclarations d'impôts pour verser le minimum aux caisses de l'Etat. Quel est le candidat qui oserait se mettre à dos des pans entiers des segments socioprofessionnels? Et c'est quoi la justice fiscale? Davantage d'impôts sur les secteurs productifs, c'est-à-dire les rares secteurs qui fonctionnent encore. Nous allons lutter contre la corruption. De quelle manière ? Si la corruption gangrène tous les paliers de l'administration publique et l'appareil de l'Etat qui n'ont pas été assainis. Comment, si le système mafieux instauré par Ben Ali revient avec plus d'application ? Voilà un inventaire des affirmations récurrentes. Parfois celles-ci semblent sérieuses et peuvent aboutir, si tous les moyens sont engagés. Le plus souvent, elles apparaissent comme des paroles en l'air, ou encore des promesses électorales, une expression qui veut généralement dire de fausses promesses. Les problèmes du pays sont également liés à la mentalité ambiante, au système sociopolitique et même culturel, ou encore à cette fatalité, le manque de moyens. Pour finir, on ajouterait à cette liste une déclaration exclusivement réservée au personnel de la Troïka. «On ne nous a pas laissés travailler, mais maintenant vous allez voir». Oui bien sûr !