« Quelle que soit la partie gagnante des prochaines élections, c'est la Tunisie qui perdra » « Nous sommes en train de marcher sur les pas de la démocratie française et américaine », cette phrase peut paraître flatteuse pour beaucoup, mais, dans la bouche du secrétaire général de l'Union populaire républicaine (UPR), Lotfi M'raihi, cela sonne comme un signal d'alarme. En effet, ce pneumologue originaire de Thala (gouvernorat de Kasserine) a une idée toute faite sur les vieilles démocraties. « Ce sont des démocraties gérées par des lobbies qui ont le pouvoir de l'argent et qui décident en lieu et place des citoyens», confie-t-il à La Presse qui l'a rencontré dans son cabinet où des livres de médecine côtoient ceux de la littérature arabe et autres encyclopédies. Lotfi M'raihi fait campagne et pourtant son parti n'a de liste dans aucune circonscription et lui-même ne s'est pas porté candidat à l'élection présidentielle. Pourquoi fait-il campagne ? Eh bien, c'est pour convaincre les citoyens d'aller voter...blanc. Pour lui, la connivence «médiatico-politico-financière» a causé du tort à la démocratie naissante en Tunisie, en favorisant l'émergence de deux « grands » pôles et en noyant les véritables enjeux du pays dans une myriade de sujets insignifiants. Il appelle ainsi à un « contrôle rigoureux des financements » de toute structure exerçant sur le sol tunisien. « Voter blanc c'est s'impliquer et dans le même temps, c'est dire aux imposteurs : nous n'avons pas été dupés », dit-il. Nous œuvrons pour un mouvement de vote blanc, ce mouvement veut dire une chose : « Quelle que soit la partie gagnante lors des prochaines élections, c'est la Tunisie qui perd ». Ultimatum Ce père des talentueux musiciens et frères M'raihi n'est pas non plus d'accord sur le mode de scrutin. Un mode qui, selon ses termes, «ne permet pas à la Tunisie de se doter d'une stabilité politique». Il aurait préféré une partition différente, celle d'un scrutin majoritaire à deux tours. Un mode qui favoriserait les «grands» partis, certes, mais qu'importe. Lotfi M'raihi plaide pour un gouvernement fort. Le secrétaire général du l'UPR ne s'arrête pas là, il compte poser une sorte d'ultimatum de six mois au prochain gouvernement, qu'il baptise «état de grâce». «S'il est sur la bonne voie, nous le soutiendrons, s'engage-t-il. Dans le cas contraire, il nous appartiendra à tous de veiller à ce que le prochain gouvernement ne fasse pas long feu». Tous pareils ? Tous corrompus ? C'est ce que semble insinuer ce pneumologue allergique à toute recommandation du FMI et de la Banque mondiale, qui s'est fait ennemi de l'économiste libéral Milton Friedman. Un économiste ayant théorisé sur « la réduction du rôle de l'Etat dans une économie de marché ». «Tous ces partis n'ont que des simulacres de projets saupoudrés de bonne volonté », tranche-t-il. Un discours qui sape les efforts de la société civile pour convaincre les électeurs à se déplacer aux urnes. Dans un climat délétère où la suspicion plane d'ores et déjà sur le processus électoral, ce genre de discours pourrait pourtant séduire une partie des citoyens.