Le public est séduit par la nouvelle séquence loufoque de « L'Isoloir 2 », présentée vendredi dernier à El Teatro. Les élections ont enfin eu lieu non sans fracas, compte tenu du reporter qui a du mal à transmettre les résultats du vote. Casque sur la tête et micro en main sous les bruits des éclats d'obus, il perd le contrôle et arrête la transmission. C'est ainsi que s'ouvre la pièce « L'Isoloir 2 », texte de Mohamed Saber Oueslati et mise en scène de Moez Gdiri. Après ce préambule qui donne le ton sur la suite des événements, une équipe de télévision s'affaire pour préparer les candidats potentiels aux élections législatives à l'enregistrement de leur intervention. La pression est à son comble, le réalisateur ne sait plus où donner de la tête, c'est le cafouillage total et la panique s'empare de tout le monde. On en vient au bureau de tri et au dépouillement des bulletins de vote via la fameuse urne, objet de convoitise de tous. La commission chargée du dépouillement est représentative du paysage politique tunisien. Tout est bon pour remporter les élections malgré la mise en place de règlements stricts et la présence d'observateurs. Fraudes, magouilles et dépassements sont le lot de ces élections tragi-comiques. A l'instar de l'Isoloir 1, l'Isoloir 2 adopte la même démarche : courtes scénettes montrant des personnages qui s'entredéchirent pour remporter les élections. Une femme enceinte au bord de l'accouchement enregistre sur un tableau les résultats d'un match de belote entre son mari et un copain et finit par donner naissance à un enfant en plein jeu. Les martyrs sont de la partie, un des personnages les rejoint dans leur « Maison » (allusion à la maison des martyrs proposée par une députée de la Constituante). Ces derniers interrogent leur visiteur sur un certain nombre de valeurs pour lesquelles ils ont sacrifié leur vie comme la dignité. Il leur répond que «la dignité est en rupture de stock». Un autre candidat est soumis à un célèbre jeu télévisé de boîtes et la récompense n'est pas l'argent mais un poste imposant, source de gains juteux. Enfin, arrive le moment du dépouillement final. Dans l'urne, il ne reste plus qu'un bulletin de vote parce que tous les Tunisiens se sont portés candidats. Brillante parodie Cette brillante parodie des élections est le résultat d'un travail de groupe du Teatro Studio ayant nécessité des mois d'exercice et de répétition. Comme en 2011, les élections de 2014 sont source de nombreuses blagues et autres vannes suscitant le sarcasme des Tunisiens. La matière se prête bien à ce genre de bouffonnerie. Il suffit d'avoir un peu d'imagination et d'exploiter des tournures de phrases et des allusions intelligentes comme par exemple « un candidat est mort d'insuffisance électorale » (dixit L'Isoloir 2) et le tour est joué. C'est donc avec beaucoup de distance et d'ironie que l'auteur de la pièce approche la campagne électorale, objet de préoccupation et de focalisation des Tunisiens en ce moment parce qu'elle est déterminante pour l'avenir de leur pays. Tout comme l'isoloir, l'urne est un objet symbolique qui a subi dans les régimes précédents maintes manipulations. Selon « L'Isoloir 2 », les élections de 2014 pourraient connaître le même sort malgré la haute surveillance des observateurs tunisiens et étrangers. Des forces obscures pourraient détourner les urnes et abuser des bulletins de vote. Et la minute de vérité pourrait se transformer en cauchemar. Ne pas se faire dépouiller La pièce met le doigt sur certaines zones d'ombre qui pourraient dénaturer le processus démocratique. S'agissant de l'avenir du pays, l'enjeu s'avère important. Le message est clair : appeler les citoyens à rester éveillés face à la corruption au marchandage et au commerce sur fond de révolution. « L'Isoloir 2 » vient à point nommé pour attirer l'attention des électeurs sur les magouilles des candidats en course pour les élections. Les spectateurs ayant assisté à la pièce, vendredi dernier à l'espace El Teatro, semblent séduits par le spectacle dans lequel les comédiens se sont déployés pleinement pour leur rôle, glissant d'un personnage à un autre avec tact et fluidité. Les élections, avec leurs lots de querelles et de rivalités entre les candidats, la bonne volonté de l'Isie et de la société civile, peuvent tourner au drame en l'absence de vigilance. C'est un peu le message de cet acte 2 de « L'Isoloir » qui, encore une fois, exhorte les électeurs à ouvrir grands les yeux pour ne pas se faire dépouiller.