Par M'hamed JAIBI La Tunisie post-14 Janvier avait choisi le parlementarisme comme régime politique, et la proportionnelle absolue en tant que mode de scrutin. Depuis, la nouvelle Constitution a rectifié le tir en rétablissant l'élection directe du président de la République et en lui accordant des prérogatives équilibrant quelque peu le système, comme celle de présider le Conseil des ministres et même celle d'être en mesure, dans certaines situations, de dissoudre l'Assemblée. Mais le mode de scrutin proportionnel est resté en vigueur. La proportionnelle élargit la démocratie La proportionnelle élargit la démocratie et la représentation parlementaire aux petits partis. C'est, dans plusieurs pays, une revendication des écologistes, des partis autonomistes, des minorités nationales et des extrêmes (gauche et droite). Mais la proportionnelle encourage à la division et au morcellement de l'échiquier politique, entraînant un émiettement de l'Assemblée qui rend difficile d'y dégager une majorité de gouvernement. C'est donc un mode qui affaiblit les grands partis et combat la bipolarisation, mais entraîne une instabilité des majorités de gouvernement à la faveur des renversements d'alliances dont il est porteur. Un gouvernement de la majorité... Les élections d'aujourd'hui vont permettre de hisser plusieurs partis à l'Assemblée. Et il faudra que les élus de tous ces partis arrivent à dégager du sein de cette mosaïque, une majorité de 50% + 1 député qui puisse former le prochain gouvernement. Certes, c'est au parti ayant obtenu le plus grand nombre de députés qu'il reviendra de proposer le chef du gouvernement, mais celui-ci devra impérativement obtenir cette majorité de 50% + 1 pour pouvoir former son gouvernement. Sinon, c'est à cette majorité effective qu'il reviendra de choisir le gouvernement et son chef. La course entre les deux grands pour la première place, relayée par mille et un sondages «secrets», est donc une bataille secondaire, du genre «miroir aux alouettes». C'est une bataille psychologique, sans plus. Une majorité de coalition La vraie bataille se situe en fait au niveau des projets de société et des ancrages fondamentaux. Et le rapprochement progressif des discours et des programmes concrets des diverses listes tout au long de la campagne le montre bien. Maintenant, et quels que soient les vainqueurs et leur majorité de coalition appelée à gouverner, il leur faudra se focaliser sur l'essentiel et reporter les batailles partisanes de détail, afin que le pays soit «gouvernable» malgré la riche mosaïque des élus. L'intérêt national exige une pause urgente dans les luttes idéologiques et une relance de la construction et du développement. Il exige que la Tunisie retrouve sa crédibilité et son attractivité de toujours, rehaussées des pas historiques franchis en matière de démocratie, de liberté et de droits de l'Homme.