23.909 bulletins de vote, taux de participation : 29.3% De notre correspondant permanent à Paris, Jamel HENI Samedi 25 octobre. Seize heures pétantes. Autant de monde que le musée Guimet, une rue en bas. Le consulat général de Tunisie à Paris regorge encore d'électeurs. Des assesseurs de l'Irie France 1, munis de tablettes, dirigent les votants vers l'un des 5 bureaux du centre consulaire ou vers un centre externe ! Des cris s'élèvent, les esprits se chauffent ! «C'est le deuxième jour du vote à l'étranger, que dites-vous ?» — «L'Irie a fait le nécessaire, les électeurs étaient priés de consulter le registre électoral, vérifier si leurs noms y figurent bien, nous avions lancé des spots à Radio Orient, dans certains journaux...informant les gens des mouvements de centres, survenus pour un tas de raisons ! » — «C'est ça oui, il fallait écouter Radio Orient pour s'informer des nouvelles du vote, mais c'est quoi, ça ! Vous voulez que Ennahdha passe ou quoi, qu'est-ce qu'on ne nous a pas fait pour nous dissuader d'accomplir notre devoir ?». Ainsi finit l'échauffourée collatérale entre un assesseur et une électrice déçue de ne pas pouvoir voter ! Contrairement au musée Guimet, les mines étaient placides, défaites, soucieuses, ou rayonnant d'une joie partisane ! A en croire les frondeurs constellés ici et là, les législatives en France sont entachées de multiples irrégularités : inscrits volontaires du contingent de 2011 mais ne figurant pas au registre électoral, inscrits d'office en 2011 mais sans la moindre trace sur les tablettes des assesseurs, inscrits volontaires et en période réglementaire en 2014 mais introuvables dans les colonnes du fameux registre ! Le jeune Zouhayer Ben Dhiab est furax ! «Je fais le pied de grue depuis midi. Il est 16h00 et on refuse toujours de me laisser voter. Ils retrouvent mon nom, mon numéro de CIN est bon mais il manque le prénom... Mais comment leur application a pu valider mon inscription alors? Et sur ma carte d'identité il n'y avait pas mon prénom ! Admettons qu'ils soient si stricts, les filles que j'ai rencontrées en larmes au métro, des étudiantes rabrouées du Consulat, inscrites dans les délais et tout, n'ayant pas retrouvé leurs noms, elles aussi, auraient-elles oublié de mentionner la case prénom?». Réactions de l'Irie Les remontrances se suivent et se ressemblent ! On cherche des explications auprès de Anouar Chaouat, membre de l'Irie, qui, bien droit dans son cachemire bleuâtre, essaye d'apporter ça une explication, là une justification, puis en désespoir de cause : «Vous pouvez porter plainte au Tribunal administratif de Tunis, c'est votre droit madame» ! Ce à quoi se voit-il répondre : «Je ne suis pas encore si parvenue pour me permettre le luxe d'un aller-retour au Tribunal administratif de Tunis !»... Anouar Chouat est impassible : «Tous ceux qui avaient pris la peine de s'inscrire figurent bien au registre électoral, nous n'avions pas reçu jusque-là une seule preuve du contraire, nous sommes en face d'approximations ou carrément d'allégations de gens déçus de ne pouvoir voter, je les comprends mais encore faut-il remplir les conditions» ! S'en tire-t-il à bon compte avant de céder la parole à Mohamed Krir, président de l'Isie France, encore plus inébranlable ! «Oui, il y a eu des mouvements dans les centres de vote, c'était prévu. Nous avions au préalable prévenu les électeurs que seules les villes de vote étaient communiquées en attendant les adresses physiques, les centres de vote effectifs ! Ce sont des décisions qui appartiennent aux dépositaires de l'autorité française, pas à nous. Nous avions alors repris le découpage électoral hérité de 2011. Toutefois, certaines villes n'étaient pas en mesure de mettre à notre disposition des espaces, d'autres nous avaient carrément opposé une fin de non-recevoir, d'autres encore proposaient des locations excessivement chères... Tous frais confondus, il fallait payer 19.000 Euros pour accueillir 200 électeurs au Havre ! C'est pourquoi il y avait eu quelques transferts de centres !» A notre question : allez-vous comme en 2011 ouvrir le droit de vote aux non-inscrits?. Krir n'en démord pas ! «En 2011, la loi ne l'interdisait pas ! La loi dont on dispose aujourd'hui est catégorique, seuls les inscrits voteront ! Les électeurs déçus, qui attendent dehors une solution miracle me serrent le cœur, je trouve cela triste qu'ils ne puissent accomplir leur devoir, sincèrement, mais je n'y peux rien, la loi c'est la loi et il faudra apprendre à la respecter. Tenez, en France, par exemple, on ne vient pas demander des passe-droits, voter de force !». Ainsi s'achève la deuxième journée de vote à la circonscription France 1 avec 23.909 bulletins glissés dans les urnes et un taux de participation de 29.3%. Du côté de l'Irie France, on espère avoisiner les 45%, soit 5% de plus que 2011... Par-delà le chiffre, l'idéal électoral a drôlement changé, en 2011 c'était «le droit» de vote, en 2014, on passe au «devoir» !