Un nouveau film. Un dernier trait d'un chapitre de quarante ans de cinéma. Sept jours de tournage et un mois de montage pour le nouveau film de Nacer Khemir. Par où commencer ? est un long-métrage réalisé dans l'urgence, comme le qualifie son réalisateur. C'est «une fiction politique qui essaie de répondre, même à travers l'utopie, à l'espoir suscité par cette nouvelle Tunisie en devenir». Le réalisateur y joue son propre rôle. Pendant une émission de radio, il est interviewé par une jeune journaliste interprétée par Sabrine Ghannoudi. Les auditeurs —parmi eux le fiancé de la journaliste et un vieil amour de l'artiste— découvrent, au gré des lettres de l'alphabet, comment Nacer Khemir voit sa Tunisie rêvée. Un abécédaire d'une utopie pour laquelle Nacer Khemir préfère comme définition la formule qui n'a pas été réalisée à qui n'est pas réalisable. «Ce film clôt une démarche de 40 ans, depuis L'histoire du pays du Bon Dieu, a expliqué Nacer Khemir pendant le débat. Par où commencer?, contrairement à ce que peut suggérer son titre, boucle une réflexion. Le réalisateur la considère depuis un moment comme un poids qu'il faut poser. «J'ai envie de faire autre chose, d'écrire, de voyager...», a-t-il confessé après la projection. Durant une heure et 23 minutes, la nouvelle fiction de Nacer Khemir explore l'imaginaire afin de puiser une nouvelle vision pour la Tunisie. Plusieurs synopsis sont proposés par le réalisateur, dont : «Que doit un pays à un enfant de dix ans ?». L'urgence qu'il éprouve émane d'une volonté d'enrichir le débat sur la culture dans le pays. En 2011, quand il avait écrit ce film, le ministère de la Culture n'a pas suivi et des choix minimalistes se sont imposés. Le résultat se sent dans le scénario où le déroulement des événements n'est pas toujours convaincant. L'image souffre à son tour de ce minimalisme, mais Nacer Khemir a indiqué qu'il s'agit d'une copie zéro qui va être améliorée. Devant ce résultat, on peut ne pas adhérer au choix de l'artiste d'opter pour un film afin de transmettre ce qu'il avait à dire. Mais on ne peut que respecter sa liberté de choisir le support avec lequel il s'exprime. Nacer Khemir a, en effet, ses arguments. Il a expliqué pendant le débat que, selon lui, il faut passer de l'oralité à l'image. «Dans le passé, nous, les Arabes, avons raté la révolution de l'imprimerie. Je me demande si, aujourd'hui, nous ne sommes pas en train de rater la révolution de l'image», note-t-il déjà dans le synopsis. En excellent conteur et orateur, Nacer Khemir est sans doute, mais peut-être malgré lui, plus éloquent en parlant de son film qu'il ne l'est dans le film, en tant qu'œuvre cinématographique. Par où commencer ? convainc plus par la parole que par l'image. Nacer Khemir a été confronté à ce constat dans le débat et il estime qu'il n'a plus le complexe de la technique et n'a plus besoin de prouver son savoir-faire. Il nous invite à lire le poème de Nazim Hikmet «De l'espoir à vous faire pleurer de rage» pour comprendre cette urgence qui l'animait et dont il est désormais « soulagé». Voilà qui clôt un chapitre, qui fut dense et particulier, du cinéma de Nacer Khemir. Et comme il le dit lui-même : Les artistes sont de drôles de zèbres, alors, nous attendons le chapitre suivant