Par Abdelhamid GMATI Nombreux sont les Tunisiens surpris puis amusés par les commentaires de certaines personnalités et certains médias étrangers. Saluant d'abord le bon déroulement des élections législatives, ils se sont lancés dans des analyses et commentaires concernant les résultats. Comme il fallait s'y attendre, les Frères musulmans n'étaient pas contents. Mieux : l'un d'entre eux, Wajdi Ghanim, qui avait été reçu en Tunisie par ses frères de la confrérie tunisienne, n'a pas hésité à insulter les Tunisiens, les traitant de mécréants parcequ'ils n'ont pas voté pour les islamistes. Idem pour le pseudo-intellectuel controversé Tariq Ramadan qui estime que «la polarisation se confirme bien sûr, et en même temps l'éparpillement des voix. Des désillusions aussi, avec le retour de certains anciens avec les habits neufs de ‘‘l'alternative'', ou l'ascension du populisme affairiste mode Berlusconi...». Pour lui, donc, les députés élus de Nida Tounès appartiennent à l'ancien régime et en même temps il insulte les élus de l'ULP de Slim Riahi. Ne revenons pas sur la visite surprise et incompréhensible du pseudo-philosophe français Bernard-Henri Lévy, impliqué dans plusieurs catastrophes des derniers temps, en Libye, Syrie, Irak et même en Ukraine ; visite largement commentée par notre journal. Ni sur le traitement réservé aux événements tunisiens par la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera. Tout cela était attendu et a amusé les Tunisiens. La surprise est venue de certains médias étrangers et notamment français. Le «Washington Post» s'est interrogé sur la réussite de la transition démocratique en Tunisie, insinuant que le rejet des islamistes par les urnes pourrait poser problème. Les médias français ont encore une fois démontré qu'ils ne comprennent rien à la Tunisie. Sans entrer dans le détail de leurs commentaires, disons que, dans l'ensemble, ils ne digèrent pas le vote en faveur de Nida Tounès et le rejet des partis de la Troïka. On sait depuis quelque temps déjà que les Occidentaux, en particulier les Etats-Unis et certains pays européens, ont misé sur les mouvements islamistes pour déstabiliser, voire détruire, les Etats arabes. Certains de leurs dirigeants, comme l'ancienne secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, ou l'ancien ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, l'ont reconnu, précisant qu'ils ont travaillé, soutenu et armé des groupes islamiques terroristes (l'Isis). Le comble est que ces Etats pensent encore qu'il y a des modérés parmi ces islamistes. L'échec de ce qu'ils appellent «l'Islam politique», notamment en Egypte et en Tunisie, déjoue leurs plans et les laisse dans le désarroi. En outre, il est intéressant aussi de rappeler qu'en ce qui concerne certains médias français, le Qatar Holding possède 12,8% et est le premier actionnaire du groupe Lagardère (livre et e-publishing — presse, audiovisuel (radio, télévision, production audiovisuelle), numérique et régie publicitaire.- Radio : Europe 1, Virgin Radio, RFM — Production audiovisuelle). On comprend mieux leurs commentaires et leur soutien aux Frères, qui n'ont de musulman que le nom. Ils ne sont pas les seuls à crier au loup et au danger que représente la victoire de Nida et de partis autres que ceux des islamistes et leurs alliés. Plusieurs dirigeans de partis oubliés par les suffrages dénoncent pêle-mêle le retour des rcdistes et de la dictature. Pourtant, ils auraient pu saluer l'émergence d'une force nouvelle, à savoir la société civile, qui, à travers plusieurs associations anciennes et nouvellement créées, s'est efficacement manifestée. On rappellera le rôle assumé par cette société civile pour imposer, en 2013, une solution de sortie de crise, amener les députés de la Constituante à adopter une Constitution et un code électoral acceptés par tous et contraint la Troïka à abandonner le pouvoir exécutif. C'est encore des associations qui ont dénoncé l'absentéisme et le laxisme au sein de cette Constituante. Ce sont encore des associations, comme l'Atige, qui ont surveillé le déroulement du dernier scutin et recensé près de 10.000 infractions. Des centaines d'associations existaient du temps des anciens régimes mais elles étaient marginalisées voire utilisées. La Révolution, disons, le, a été la révolution de la société civile tunisienne, d'abord à travers des individus et des rassemblements épars puis à travers des associations diverses. Plusieurs faits politiques, économiques, sociaux ont été imposés directement et indirectement par cette société civile qui veut participer à tout ce qui se passe dans le pays. Bien entendu, il y a toujours conflit avec le pouvoir. Mais il serait vain de retourner en arrière. Cette nouvelle donne, et plusieurs politiciens, y compris parmi les candidats à la présidentielle le reconnaissent, est un nouveau gage contre le retour d'une nouvelle dictature. On assiste à une démocratisation de la démocratie qui ne sera plus l'apanage des seuls partis et des seuls pouvoirs.