Place Mendès-France, à Mutuelleville, le trottoir de l'Ecole primaire était depuis longtemps transformé en décharge publique. En dépit des efforts des éboueurs et des édiles, des protestations des riverains, des querelles des voisins, des différentes tentatives de discipliner les horaires de sortie des ordures, rien n'y fit. Des amoncellements de poubelles continuaient à croître par génération spontanée, semblait-il. Chats, rats, moustiques, mouches et cafards à prospérer impunément. Et les chiens errants à y organiser des sabbats nocturnes. On plaça des containers, ils débordaient constamment. On les enleva pour dissuader les citoyens et les éloigner de ce lieu sensible, car supposé consacré aux enfants. En vain, les poubelles revenaient irrésistiblement. Pendant la révolution, des riverains excédés par les grèves des agents de nettoyage mirent le feu aux poubelles, et l'on évita de peu la catastrophe. On avait fini par baisser les bras, désespérés, et résignés jusqu'au jour où... une jeune femme, habitant le quartier, apporta une plante verte en pot, et la plaça sur le trottoir. Elle sonna chez les voisins, et leur demanda de faire de même. Puis elle alla frapper à la porte de l'école, et fit faire une pancarte interdisant les ordures dans cet espace où les enfants attendaient leurs parents. Les enfants sensibilisés promirent de peindre une fresque sur le mur, représentant un jardin. Un jardinier voisin planta des fleurs, les arrosa, et les entoura de grosses pierres pour les protéger. Et les riverains, étonnés et ravis vérifient tous les matins que ce modeste jardin est respecté, que les citoyens ont appris à mettre leurs poubelles devant leurs portes où elles sont tout autant ramassées que sur ce trottoir longtemps squatté, et prient le ciel et leur dynamique voisine que cela dure.