Avoir refusé le Goncourt à Kamel Daoud pour en gratifier Lydie Salvayre (voir notre article de lundi dernier), c'est exactement comme si le vénérable comité l'aurait refusé à Albert Camus... Car telle est l'identité profonde de ‘'Meursault, contre-enquête'' le roman de Kamel Daoud ; ce n'est, ni plus, ni moins, que du Camus, très noir et très équivoque. Il y a aussi que Kamel Daoud et Lydie Salvayre, avec son roman ‘'Pas pleurer'', parlent fondamentalement de la même chose : le Tiers-Etat, les laissés-pour-compte, à la différence que l'écrivain que cite Salvayre (c'est-à-dire Georges Bernanos) est du côté des pauvres gens, tandis que l'écrivain qu'évoque Daoud (donc Albert Camus) semble se tenir du côté des ‘'autres''. Nous avons lu les deux ouvrages et nous ne sommes pas parvenus à trancher, mais nous, journalistes, contrairement aux gens du Goncourt, avions entrevu une échappatoire à l'indécision entre ces deux ouvrages de qualité littéraire pratiquement équivalente, avec une simple interrogation : pourquoi pas un Goncourt ex æquo pour Lydie Salvayre et Kamel Daoud ? ‘'Meursault, contre-enquête'', 153 p., mouture française