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« La convention a fait de l'enfant un sujet de parole et de droit »
Entretien avec... Maria Luisa Fornara, représentante de l'Unicef en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 11 - 2014

La Tunisie a célébré le 20 novembre, avec 193 autres pays, le 25e anniversaire de l'adoption (1989) de la Convention internationale des droits de l'enfant. En 1991, la Tunisie ratifiait la Convention relative aux droits de l'enfant et en 1995 fut promulgué le Code de la protection de l'enfant. Malgré les lois, les institutions spécialisées, les programmes d'action et les volontés politiques et civiles, les droits humains, dont ceux des enfants, souffrent, en Tunisie comme dans de nombreux autres pays, de l'écart qui se creuse de plus en plus entre les textes et le vécu. Entretien.
A l'instar de la communauté internationale, la Tunisie vient de célébrer (le 20 novembre) le 25e anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant qu'elle a ratifiée en 1991. Que représente cet anniversaire pour les pays signataires, dont la Tunisie ?
La convention est née d'une volonté politique des Etats de placer l'enfant au centre des préoccupations de l'époque moderne, de lui consacrer un texte normatif qui définit ses droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Ainsi, en 1989, l'idée était, à travers 54 articles et 2 protocoles additionnels adoptés en 2000 et un troisième adopté le 19 décembre 2011, d'énoncer des droits fondamentaux communs à tous les enfants du monde, droits que les Etats s'engageraient à promouvoir dans les ordres juridiques internes. Entre l'enfant-roi et l'enfant-objet, la convention a fait le pari de l'enfant–sujet : sujet de parole et de droit !
La convention repose sur quatre valeurs fondamentales (ou principes directeurs). La non-discrimination : les droits seront appliqués indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique, d'origine nationale, ethnique ou sociale, de situation de fortune, de naissance, d'incapacité, etc. Le droit à la survie et au développement de l'enfant dans tous les aspects de sa vie. L'intérêt supérieur de l'enfant qui doit être pris en compte dans toutes les décisions ou mesures qui le concernent. Et, enfin, le respect de l'opinion de l'enfant exprimée librement et sa participation à toutes les questions l'intéressant. En concluant et en ratifiant la convention, les Etats s'engagent par conséquent à les garantir et à les défendre. Ils devront également répondre à leurs engagements devant la communauté internationale.
Qu'est ce qui a changé avec l'adoption de cette convention ?
L'adoption de la convention relative aux droits de l'enfant a apporté un changement radical de perspective, l'enfant n'est plus objet d'assistance, mais sujet de droit. Cette évolution représente un changement de paradigme qui oblige les Etats, mais aussi tous les acteurs qui agissent pour l'enfance, à appliquer les droits de l'enfant, les respecter et les protéger. Certes, au niveau mondial, l'adoption de la convention a permis d'accomplir des progrès notables qui se sont traduits par l'amélioration de la survie et du développement de l'enfant, l'octroi de services essentiels et des pratiques et des comportements plus sains, un recul de la discrimination liée au sexe en termes d'accès à l'éducation, l'amélioration de la couverture vaccinale, ce qui a permis de sauver des millions de vies et contribué à la réduction des décès imputables à la rougeole, la diminution du nombre d'enfants ne fréquentant pas l'école...
Mais, ces succès cachent de nombreuses lacunes concernant la réalisation des droits de l'enfant aux soins médicaux, à la nutrition, à l'éducation ainsi qu'aux soins et à la protection de leur famille. Même dans les secteurs qui affichent de bons résultats, il reste beaucoup à faire. Juste à titre de rappel, aujourd'hui, 17.000 enfants meurent encore chaque jour de maladies évitables et au moins 250 millions d'enfants en âge d'aller à l'école primaire n'ont pas les capacités de base pour apprendre à lire et écrire ; environ 570 millions d'enfants sont toujours privés de leurs droits et libertés et près de la moitié des personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté ont moins de 18 ans.
Qu'est ce qui, selon vous, a été réalisé en Tunisie dans le domaine de l'enfance ?
La Tunisie a réalisé des avancées notables en matière des droits de l'enfant. Depuis l'indépendance, les acquis se sont multipliés garantissant les droits fondamentaux de tous les citoyens notamment dans les domaines de la santé, de la survie, de l'éducation et du bien-être social. La nouvelle Constitution vient consacrer un article préservant les droits et la dignité des enfants. Il s'agit de l'article 47, qui stipule que «les droits à la dignité, à la santé, aux soins, à l'éducation et à l'enseignement sont garantis à l'enfant vis-à-vis de ses parents et de l'Etat.
L'Etat doit garantir toute forme de protection à tous les enfants sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur».
En dépit de ces réalisations, la situation des droits de l'enfant en Tunisie est marquée par un décalage entre les textes juridiques et leur mise en œuvre dans la pratique. Il n'existe pas non plus à ce jour un organe indépendant de suivi des droits de l'enfant, capable de présenter auprès des pouvoirs publics les manquements dans l'application des lois et règlements existants ou d'en proposer de nouveaux. Par ailleurs, nous sommes ravis de savoir que le projet de loi concernant la création d'un comité des droits humains, conformément aux dispositions de la Constitution, et où un département est consacré aux droits de l'enfant, a été examiné et adopté en conseil ministériel.
Quels sont les problèmes liés à l'enfant et à la famille qui méritent d'être traités de manière urgente en Tunisie?
Les résultats de l'enquête nationale par grappe à indicateurs multiples sur la situation des enfants et des femmes en Tunisie (Mics4, 2012), réalisée par l'Institut national de la statistique, le ministère de la Planification et du Développement régional et l'Unicef, a confirmé que les disparités régionales et l'iniquité sociale persistent encore. La couverture du système préscolaire est faible car la proportion d'enfants de 3-4 ans inscrits dans un programme préscolaire est bas : 44% au niveau national et varie de 81% pour les enfants des ménages les plus riches à 13% pour ceux des ménages les plus pauvres, soit un écart de 1 à 6. Chaque année, de 80.000 à 100.000 enfants quittent l'école avant l'âge de 16 ans (scolarisation obligatoire) sans aucun diplôme, voire de qualifications minimales, ce qui peut ouvrir la voie au travail illégal des mineurs et aux autres différentes formes d'exploitation. Le ratio net de fréquentation de l'école secondaire est de 73% au niveau national, mais varie de 49% pour les plus pauvres à 93% pour les plus riches. La proportion d'enfants de 5 à 14 ans engagés dans un travail est de presque 3% avec une forte variation au détriment des gouvernorats les plus démunis (5,7% dans les régions du sud-est).
Les enfants sont également menacés de violence et de marginalisation ?
Oui, en effet. Le phénomène de la violence à l'égard des enfants est réel : 32% des enfants subissent une discipline sous une forme sévère. Dans un autre chapitre, celui de la justice, il faut savoir qu' il n'existe aucune alternative opérationnelle à la privation de liberté ni de suivi spécifique aux enfants en conflit avec la loi remis à leurs familles par les juges, ce qui expliquerait un taux de récidive estimé à 27%. Par ailleurs, il faut savoir aussi que près de 3.500 enfants, dont 30% d'enfants nés hors mariage, sont temporairement ou à plus long terme pris en charge par des structures institutionnelles. Or, la place de tout enfant est dans une famille et non dans des structures. Il est nécessaire de travailler sur un projet clair pour leur réintégration sociale et familiale dans des délais courts. Ces enfants (en particulier ceux nés hors mariage) ainsi que les mères célibataires peuvent être victimes de discrimination rendant cette réintégration difficile.
L'Unicef est un partenaire important de l'Etat et de la société civile, quels sont les programmes et les projets que vous menez, ou que vous supervisez actuellement en Tunisie ?
L'objectif de l'Unicef est de contribuer à l'amélioration de la situation des enfants en Tunisie. Pour cela, l'Unicef continuera à apporter l'appui nécessaire aux politiques et aux stratégies concernant l'enfance et qui visent la réduction des disparités et des iniquités. Des efforts seront, également, déployés pour améliorer l'équité et la qualité de l'éducation et réduire l'abandon scolaire, pour soutenir toutes les politiques et stratégies de protection de l'enfant contre toutes les formes de discrimination, violence, abus et exploitation. L'Unicef poursuivra aussi son plaidoyer et son soutien technique pour la mise en place d'un mécanisme indépendant de suivi des droits de l'enfant et pour l'amélioration de la législation et son harmonisation avec la nouvelle Constitution.
Dans divers domaines, notamment celui des droits de l'enfant, il y a un écart entre les textes de lois et les stratégies, quand elles existent, et leur application dans le concret. Que faut-il, selon vous, pour que les grandes théories juridiques deviennent une réalité vécue?
Il est vrai qu'en Tunisie, comme dans beaucoup d'autres pays, l'esprit et le contenu des lois et des décrets sont pour la plupart conformes à la convention. Mais les lois ne suffisent pas si leur mise en œuvre et les pratiques ne suivent pas. Afin d'assurer le suivi de l'application de ces lois, le Comité international des droits de l'enfant a encouragé la Tunisie, lors de l'examen de ses deux derniers rapports périodiques sur l'application de la convention (en 2002 et 2010), à envisager la mise en place d'une institution indépendante de suivi des droits de l'enfant. Elle serait principalement chargée de défendre et de promouvoir les droits des enfants et permettrait ainsi l'accélération de l'application de la convention onusienne et d'autres lois en faveur de l'enfance déjà adoptées en Tunisie. L'Unicef aidera la Tunisie à la mise en place de ce mécanisme qui sera, avec la vigilance de la société civile et l'appui des médias, efficace. L'expérience a démontré que dans les pays où une institution indépendante similaire a été instituée, les droits de l'enfant sont mieux protégés, leurs intérêts sont pris en compte dans les décisions les intéressant et les politiques concernant l'enfant sont mieux appliquées.
L'enquête nationale par grappe à indicateurs multiples sur la situation des enfants et des femmes en Tunisie (Mics4, 2012), réalisée par l'Institut national de la statistique, le ministère de la Planification et du Développement régional et l'Unicef, a révélé que 32% des enfants âgés de 24 à 59 mois (3-5 ans) subissent des violences domestiques. Pour la catégorie d'âge variant entre 5 et 14 ans, l'étude a montré qu'il y a des taux élevés de violence et d'abandon scolaire. Que pourrait proposer l'Unicef pour améliorer cette situation?
Effectivement, comme je le soulignais précédemment, 32% des jeunes enfants de 3-5 ans subissent des violences physiques ou des châtiments corporels. Dans ce cadre, l'Unicef appuie les différents ministères et en particulier le sécrétariat d'Etat de la Femme et à la Famille pour informer et sensibiliser les parents à l'usage d'autres formes de discipline non violentes envers les enfants. C'est un des thèmes majeurs de la journée sur les droits de l'enfant et ce sera un sujet de campagne majeur pour les années à venir. Pour la tranche d'âge au-dessus des 5-14 ans, le phénomène d'abandon scolaire dont j'ai parlé nous inquiète et une véritable stratégie nationale est en train de se mettre en place autour du ministère de l'Education pour réduire ce phénomène, à travers diverses actions touchant au meilleur suivi et soutien scolaire des enfants, une meilleure communication avec les parents, un soutien aux familles nécessiteuses et un soutien psychologique et social aux enfants en situation d'abandon scolaire. Je suis convaincue que ce sujet, qui se trouve au cœur des discussions dans le cadre du dialogue sociétal sur l'éducation, mobilisera l'ensemble des acteurs de l'éducation et de la société civile pour en faire une priorité du prochain gouvernement élu.


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