Par Abdelhamid GMATI Les résultats définitifs des élections législatives du 26 octobre dernier indiquent que, sur plus de 5 millions d'électeurs inscrits, 3.579.257 ont voté. Ce qui veut dire que plus de 1.600.000 se sont abstenus. De plus, on a compté 106.010 bulletins nuls et 56.069 bulletins blancs. On aura beau dire que le taux de participation (69%) est honorable, il n'en reste pas moins que pour des élections, les premières entièrement libres, nous dit-on, il aurait été souhaitable que l'abstention, les bulletins nuls et blancs soient réduits au minimum. Surtout qu'un grand nombre de jeunes ne se sont pas sentis concernés par ces élections. Aujourd'hui 5.285.625 Tunisiens inscrits sont appelés à élire leur président de la République. Vivra-t-on le même scénario ? La campagne électorale de la présidentielle, avec la participation de 27 candidats en lice (4 se sont retirés en cours de route), s'est achevée vendredi. Disons qu'elle n'a pas été exaltante. Notre journal en a rendu compte au jour le jour, dans un esprit d'honnêteté et de neutralité. On s'attendait à un débat d'idées, à une présentation de visions et de programmes divers et intéressants. Las ! A quelques exceptions près, on a eu droit à des stratégies électorales basées sur les injures, les diffamations, les calomnies, la division du pays, le régionalisme, les mensonges... Des stratégies se limitant à discréditer les adversaires et à jouer sur le mode « eux » et « nous », les « anciens » et les « nouveaux », les « riches » et les « pauvres », les « vieux » et les « jeunes ». Certains se sont même « amusés » à faire peur au Tunisien, brandissant la menace d'un dictateur, d'une hégémonie, faisant souvent référence au régime déchu. Même les candidats qui se sont retirés pour des raisons personnelles n'ont pas échappé à l'insulte. Certains médias ont été accusés de participer à ce jeu, en bipolarisant la campagne, « diabolisant un candidat et valorisant un autre ». Même la chaîne qatarie a mis son grain de sel, exprimant sa « peur pour la verdure et les fleurs en Tunisie » si un certain candidat était élu. Amusant! Les Tunisiens, eux, même les plus pessimistes, n'ont jamais eu cette crainte. Par contre, ce qui est à craindre, c'est que les électeurs, particulièrement les jeunes, déçus par ces pratiques de bas étage, ne renoncent à aller aux urnes. Contrairement aux législatives où il était question de listes et de partis, la présidentielle était indiquée pour un débat d'idées entre personnalités connues et moins connues. Les Tunisiens voulaient qu'on les éclaire et qu'on leur propose des voies à suivre, leur permettant ainsi de pouvoir choisir en toute connaissance de cause. Au lieu de quoi, ils ont eu droit à des discussions byzantines, stériles, faisant appel à l'émotion, à la peur de l'autre. Il est vrai que le nombre des candidats permet toutes sortes de divagations. Certains mettent en avant leur passé de « militants », d'autres comptent sur leurs diplômes ou sur leur jeunesse. Le tout sur fond d'ego et d'ambitions personnelles. Et dans les appels au vote des uns et des autres, on relève quelques surprises, comme des islamistes voulant voter pour un laïc, des pauvres choisissant un milliardaire, des jeunes optant pour un vieux, des bourgeois préférant un communiste...C'est aussi cela, la liberté. L'absentéisme n'est pas la solution ; il est même dangereux, en ce sens qu'on risque d'avoir le résultat qu'on rejetait. Ne dit-on pas que les absents ont toujours tort ? S'abstenir, c'est laisser aux autres la possibilité d'imposer leur choix; c'est abandonner le droit de choisir pour lequel des centaines de personnes se sont battues; c'est renoncer à participer à l'édification de son avenir. Le vote n'est pas une mode, ou un jeu auquel on peut ne pas participer, sans dommage. Le vote est une obligation de citoyen libre. En politique, la liberté s'exerce par le vote.