Jusqu'en début de soirée hier, les élèves ne savaient toujours pas s'ils allaient passer les examens A neuf heures du matin, devant le collège Fadhel-Ben Achour à La Marsa, adossés au mur pour certains, patientant devant le portail pour d'autres, des groupes d'élèves affichant un air perplexe ne savaient toujours pas, hier, s'ils allaient passer ou pas les examens du premier trimestre. Depuis le début de la journée, le surveillant général a dû répondre inlassablement à la même question posée par les collégiens et leur a conseillé de continuer à suivre les informations à la télévision et à la radio car la grève pourrait être annulée d'une heure à l'autre. Les professeurs de l'établissement sont venus mais n'ont pas donné cours. Les salles étaient vides, hier. Dans ce collège, la grève a été observée par l'ensemble du cadre éducatif. Le ras-le-bol est perceptible dans l'attitude de ces enseignants, exaspérés que leurs revendications n'aient pas été entendues par le ministère qui continue à faire la sourde oreille. Ces derniers ont décidé de ne pas céder et d'aller vers l'escalade, menaçant de poursuivre la grève s'ils n'obtiennent pas gain de cause. Nombre de ces professeurs justifient la grève par le fait qu'ils ont de plus de plus en plus mal à supporter les conditions dans lesquelles ils travaillent. Professeur de mathématiques et membre du syndicat de base des enseignants, Hassem Salah, que nous avons rencontré au sein de l'établissement, montre du doigt une salle de classe sombre et mal éclairée. A l'extérieur, le mur à la peinture défraîchie est éraillé par endroits. A l'intérieur, les pupitres poussiéreux et mal fixées au sol grincent lorsque les collégiens s'assoient. « Certaines de ces tables n'ont pas été changées depuis plus de quarante ans, a-t-il observé. L'éclairage est défaillant. L'hiver, lorsque nous enseignons, nous avons froid, à cause des fenêtres en mauvais état. Il s'agit de très mauvaises conditions de travail que nous n'acceptons plus». L'enseignant, qui a dénoncé notamment le phénomène de la violence en milieu scolaire « qui n'a cessé de prendre des proportions de plus en plus grandes ces trois dernières années », espère que le ministère trouvera des solutions. « Il y a quatre jours, une collégienne est entrée dans la cour et a poursuivi une autre élève avec une arme blanche. Il y a aussi le cas de ce collégien qui a lancé une bombe à gaz, ce qui a provoqué un malaise chez un élève qu'on a dû transporter aux urgences. Les enseignants ne se sentent plus du tout en sécurité. Il faut engager un dialogue national sur le thème de la violence scolaire et y faire participer tous les partis concernés », a réclamé ce professeur. La précédente grève qui s'est déroulée les 26 et 27 novembre dernier avait principalement pour toile de fond plusieurs revendications, notamment d'ordre financier: les enseignants exigent, en effet, une revalorisation de leurs primes et de leur salaire de base, jugé aujourd'hui trop bas, selon certains, « pour pouvoir faire face à la cherté de la vie et subvenir à nos besoins », note une enseignante du collège. Les enseignants veulent entre autres que l'âge de la retraite soit avancé à 55 ans en raison de la pénibilité de leur métier et dénoncent les nombreuses défaillances du système éducatif qui a entraîné une baisse du niveau des élèves. « Il faut engager une réforme en profondeur, observe Amel, professeur d'histoire-géographie. Il faut criminaliser la violence en milieu scolaire, améliorer l'infrastructure des établissements éducatifs et assurer un meilleur encadrement des élèves. Or, nous manquons de salles de permanence, de surveillants généraux, de psychologues... Remédier à ces défaillances permet d'améliorer le niveau des élèves », enchaîne-t-elle. Aujourd'hui, les enseignants ont décidé de tenir bon et de réagir à la décision du ministère de prélever deux jours de salaire, en entamant une grève ouverte. Professeur de mathématiques, Mounir fulmine contre le ministre qui est revenu sur la décision de reporter l'application de la sanction alors que les deux parties étaient pourtant parvenues à un accord. « Nous avons été tous surpris par cette volte-face du ministre, a observé l'enseignant de mathématiques. Il était pourtant prévu de reporter et de discuter de cette sanction dans le cadre des prochaines négociations sociales. Ce que nous lui reprochons c'est qu'en dépit des promesses et des accords conclus avec le syndicat, il montre peu d'empressement pour satisfaire nos revendications se contentant de renvoyer la balle dans le camp du Premier ministère et arguant qu'il ne peut rien faire car le gouvernement est sortant. Or, autant il a fait preuve de laxisme par rapport à nos revendications, autant il s'est vite empressé de prendre la décision de prélever deux jours sur nos salaires. Il devrait présenter ses excuses à tout le corps enseignant ! », s'emporte Mounir. Dans l'établissement secondaire de Marsa Saâda, les revendications sont similaires. Les nerfs à vif, les enseignants ne supportent plus que leurs revendications soient restées lettre morte et dénoncent la passivité du ministère. « Nous sommes en train d'assister à la déliquescence du système éducatif, relève une enseignante d'arabe de l'établissement. C'est pour cette raison que nous avons décidé de réagir. Si nous observons cette grève, c'est avant tout dans l'intérêt de l'élève. Il ne faut pas oublier que nous aussi, nous avons des enfants et nous veillons à leur intérêt autant qu'à celui des autres ».