Des œuvres d'une simple beauté où tout élément symbolique de notre identité apparaît dans une sorte de pureté obsessionnelle qui engage l'artiste sur des chemins de très haute envolée. Diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Tunis, issu de la génération des années 70 et céramiste de spécialité ayant Abdelaziz El Gorgi comme professeur avant de se consacrer par la suite à la peinture, Bady Chouchène — comme il plaît à son ami Mohamed El Ayeb, artiste lui-même et directeur de la galerie Aïn à Salamboô — de le présenter : «Il est le cocktail de cette époque merveilleuse représentative des artistes tunisiens et de la peinture tunisienne. Bady Chouchène est le peintre de la lumière et il continue sur ce chemin de la lumière.» Pour clôturer en beauté la saison artistique 2014, la galerie Aïn abrite, depuis vendredi dernier, les toutes dernières œuvres de Bady Chouchène. Il s'agit de pures merveilles qui puisent leurs richesses dans le patrimoine tunisien et la mémoire collective. En effet, les «huiles» de Bady Chouchène essaient de saisir des émotions et des caractères uniques et de retrouver toute la candeur d'une époque, grâce à une grande richesse chromatique et une parfaite maîtrise des touches. Des touches impressionnistes couvrent la toile, telles des électrons qui occupent l'espace débordant d'énergie conférant au sujet un dynamisme et une forme de joie de vivre. L'artiste travaille la matière picturale avec une maîtrise technique apparente, sa pâte est onctueuse, nourrie et charnelle. Les couleurs, souvent à dominante de bleu et d'une multitude de blanc, sont ponctuées, réchauffées par des terres, des ocres, des rouges donnant ainsi aux œuvres une vibration lumineuse et raffinée. Il s'est pleinement servi d'une palette riche et «lumineuse» pour présenter des scènes de la vie à la Médina, au Souk, dans les ruelles, le passage des Sabbat, des endroits de la ville de Tunis aux lumières somptueuses, aux gens solides, enracinés dans une terre gavée de soleil, d'ombre et de chaleur. Des œuvres d'une simple beauté où tout élément symbolique de notre identité apparaît dans une sorte de pureté obsessionnelle qui engage l'artiste sur des chemins de très haute envolée. Il peint des histoires, des souvenirs, des invitations, des suggestions, des éventualités, installant une réelle émotion entre la peinture et le spectateur. On peut entrer dans le tableau, y circuler et y vivre plein de souvenirs en mélangeant ce que l'on est et ce que l'on voit. Le génie de cet artiste se situe, également, dans sa capacité à saisir l'instant unique dans sa richesse émotionnelle. Il parvient ainsi à capter toute l'intensité des émotions qu'il entrevoit à travers une scène, un moment de la vie, du quotidien, comme ce «Dimanche matin» le jour des élections. Une œuvre dynamique d'une grande richesse chromatique, une mosaïque de couleurs où l'on y célèbre la joie de vivre et le patriotisme. Violente ou plus diffuse, la lumière est omniprésente dans ses œuvres, cisèle la forme, joue avec l'ombre, anime la composition et révèle le goût de l'artiste pour répercuter le beau dans le vécu des gens et des lieux. Une exposition à admirer de près jusqu'au 20 décembre.