Le derby a encore une fois été fidèle à sa réputation, gratifiant l'assistance d'un beau spectacle avec de l'intensité, des buts, des retournements de situation et en fin de compte un finish qui en dit long sur l'équilibre des forces en présence. Du point de vue profil de jeu, l'EST, tout comme le CA ont évolué en 4-2-3-1 qui se mue en 4-3-3 en situation de possession du ballon. Avec Yannick en pointe, le tandem Coulibaly-Ragued à la récupération, ainsi que Akaïchi et Harbaoui au niveau des couloirs, l'Espérance a mis du temps pour entrer dans le match. Et pour cause, Iheb Mbarki (ex-pivot à Evian) s'est cherché sur son flanc gauche, alors qu'en même temps, plus haut (au milieu), chercher systématiquement la profondeur et les courses effrénées du duo Akaïchi-Harbaoui n'a pas été judicieux. il aurait fallu passer par l'axe au lieu de chercher la profondeur. C'est au contraire le CA qui a posé le jeu, évoluant par passes courtes et triangulations. Dictant le rythme et maîtrisant le tempo. Avec le même schéma tactique, Sanchez a été forcé de placer le pivot de métier Salifu sur le flanc droit (palliant la suspension de Agrebi) et ainsi titulariser Ghandri en tant qu'écran axial à l'entrejeu. Salifu, quelque peu déstabilisé par les vifs attaquants de l'EST, a toutefois commencé à carburer quand le généreux Saber Khelifa lui a prêté main-forte, revenant au charbon en situation de repli. Pour revenir au reste du onze clubiste, et outre Mikari sur le flanc gauche, le duo Tka-Belkaroui a bien carburé d'entrée, en l'absence de Ifa (ne laissant rien filtrer), alors que, plus haut, Belaïd à la manœuvre, Nater au balayage latéral et Djabou au jeu en déviation ont tenté de combiner avec Khelifa. La seule énigme du CA a été Zouheïr Dhaouadi, effacé sur son couloir et incapable d'élever la cadence. Dhaouadi était hors sujet. Prudence et méfiance En dépit du volume de jeu produit par la suite, les deux équipes ont mis du temps pour entrer de plein pied dans le match. Le round d'observation s'est même éternisé durant un gros quart d'heure. Aucune possession même relative du ballon et pas de pressing de zone de part et d'autre. Akaïchi et Harbaoui tentent de faire prévaloir leur vitesse côté EST; alors qu'en face, le tandem Djabou-Khelifa a commencé à monter en régime après quinze minutes de jeu. Afful en a presque payé le prix dès le début du second quart-temps. Khelifa : quelle générosité ! Saber Khelifa, au four et au moulin durant ce match, a fait prévaloir son endurance, sa vitesse et son aptitude à revenir au charbon et à se métamorphoser. Le premier but est d'ailleurs un bel exemple de bravoure de la part de l'international du CA. Une belle combinaison Belaïd-Khelifa qui finit sa course en corner. Le coup de pied de coin botté par Belaïd est magistralement repris par Belkaroui. Grâce à Khelifa en partie, auteur de beaucoup de présence (abattage, appels et contre-appels). L'attaquant clubiste a d'ailleurs gagné tous ses duels avec Afful. Qui rate encaisse L'EST a beau se démener à partir de là, elle payera le prix de ses ratages successifs et récurrents. Akaïchi, puis Harbaoui ratent lamentablement. L'Espérance cherche la profondeur au lieu de poser le jeu. Les «sang et or» poussent («boostés» par un public des grands jours évalué à 17.000 spectateurs et non pas les 7.500 autorisés), alors que le CA subit mais joue intelligemment (bonne assise défensive et milieu accrocheur). A partir de là, le CA montera d'un cran, alors que l'EST cafouille. L'erreur de Sanchez De retour des vestiaires, le CA joue en contre et ce sera payant. Sur une accélération fulgurante, Belaïd décoche une frappe qui vient se loger dans la lucarne de Ben Cherifia. Mais là, une erreur tactique de Sanchez s'avérera fatale. Le technicien français déplace Khelifa du couloir droit, là où il épaulait Salifu (sorte de latéral bis), pour le placer en pointe, alors que Djabou a décroché d'un cran. D'ailleurs, beaucoup plus tard, Sanchez persistera dans ce «jeu de rôle» en décalant Khelifa en lieu et place de Dhaouadi, inexistant. Poussée de l'EST Bien avant, il y a tout d'abord eu une grosse période de domination de l'EST. Comme l'a souligné le coach, Ben Yahia, les «Sang et or» n'avaient plus le choix: «En dépit d'une bonne animation et d'un volume de jeu assez consistant, nous avons péché par trop d'inefficacité. Notre force de caractère nous a toutefois permis de revenir dans le match». De l'autre côté, Sanchez, a quant à lui, souligné l'application des siens et l'aptitude à conserver le ballon en première période: «A chacun sa mi-temps. Notre maîtrise et notre engagement lors du premier half ont été payants. L'EST a joué son va-tout en deuxième mi-temps et son jeu direct a été ponctué d'une parité». La profondeur du banc «sang et or» Quand on joue sur plusieurs fronts ou du moins pour le titre, la profondeur du banc permet de pallier tout impondérable, défection ou changement de direction en cours de jeu. Face à l'EST et indépendamment du forfait de Ifa et de la suspension de Agrebi (qui ont laissé coach Sanchez dans l'embarras), le CA a manqué de solutions, de second souffle et d'alternatives. Quand Khelifa fait doublon avec Salifu pour le couvrir sur le flanc droit, il y a de quoi s'interroger. Quand Meniaoui est lancé en fin de match alors qu'il n'a pas les «épaules larges», cela confirme l'inexistence de doublures de valeur sur le banc clubiste. Où sont passés les Ghazi Ayadi, Chiheb Jebali, Azer Ghali, Wajdi Mechergui et même le défenseur Ala Bouslimi (prêté). Seul le jeune Walid Dhaouadi a été maintenu en réserve sans toutefois bénéficier de temps de jeu. En face, volet offensif, il y avait sur le banc un trident capable à lui seul de désarçonner tout vis-à vis, à l'instar de Jouini-Ben Hammouda-Mhirsi. Plus bas, deux défenseurs internationaux étaient prêts, dans les starting-blocks, comme on dit, soit Chamseddine Dhaouadi et Sameh Derbali. Bref, volet profondeur du banc, il n'y avait pas photo. Le destin de Yannick Le camerounais Yannick N'djeng est revenu de loin, de très loin même. L'attaquant de l'EST a beau se démener, il ne fera pas mouche durant les trois quarts du match. Puis, sa force tranquille et sa sérénité lui vaudront de «sauver» l'EST en fin de rencontre. Yannick «cœur de lion» a tout d'abord raté un penalty. Puis s'est rattrapé en marquant deux buts qui permettent à des «sang et or» revenus de loin de garder le cap, et surtout la confiance. Bel exemple de bravoure pour un joueur qui n'a pas douté et qui aura permis aux siens d'égaliser à deux partout. Le derby a vécu et les puristes en ont eu pour leur argent. On en redemande.