Avec la démission controversée de Hamadi Jebali, ça se confirme et se précise : on ne peut plus ne pas parler de rébellion au sein du mouvement Dans une précédente édition de La Presse, nous avions évoqué, en exclusivité, les signes avant-coureurs de l'émergence d'un mouvement de rébellion au sein d'Ennahdha. Mouvement dirigé, avions-nous écrit, par la nouvelle vague des jeunes nahdhaouis qui monte, et fortement appuyée par l'aile dure de la direction du parti. Aujourd'hui, et mine de rien, ça se confirme, ça se précise. En effet, les colombes d'Ennahdha avaient beau, ces jours-ci, tenter d'éviter l'escalade, par déclarations tranquillisantes interposées, rien n'y fit. Montant au créneau, Rached Ghannouchi, l'homme le plus écouté du mouvement, a beau essayer, pour sa part, de désamorcer la bombe à retardement, en usant de son charisme, peine perdue. C'est que personne n'a pu contrecarrer la poussée d'une crise déclenchée au lendemain de la perte de ce que les nahdhaouis appellent «la bataille de l'ARP» (Assemblée des représentants du peuple) qui a valu au parti le poste de premier vice-président, alors que les faucons du mouvement exigeaient vivement le poste de président. «C'est là la goutte d'eau qui a fait déborder le vase», déplore l'un d'eux, sous le couvert de l'anonymat, évoquant «une défaite cuisante». Et ce n'est pas un hasard si la réunion du Conseil de la choura, tenue le week-end dernier, en a pâti. En ce sens que c'est pour la première fois dans l'histoire des assises de ce conseil, affirment plus d'un nahdhaoui, que les travaux se sont déroulés dans un climat mouvementé et, par moments, houleux. C'est également pour la première fois que les congressistes en parlent publiquement et ne s'en cachent pas, tranchant avec «la discipline légendaire du parti» faite de discrétion digne de «la loi de l'omerta». Colombe devenue faucon Enfonçant le clou, Hamadi Jebali, autre poids lourd d'Ennahdha, a choisi ce moment si crucial pour démissionner, sans crier gare, donnant ainsi un coup de fouet au mouvement de protestation qui ne cessait de prendre de l'ampleur. Cette démission controversée a fait l'effet d'une bombe. D'abord, parce qu'elle a pris tout le monde au dépourvu. Ensuite, parce qu'elle émane d'un «camarade» qui s'est sacrifié, corps et âme, des décennies durant, au service du parti et de sa pérennité. Enfin, parce que la conjoncture très difficile que traverse Ennahdha exige, selon ses sympathisants, davantage de tranquillisants que de verseurs d'huile sur le feu. Surgit alors la question suivante: Hamadi Jebali, connu pour être une colombe, est-il devenu, du jour au lendemain et par la force des choses, un faucon? L'interrogation s'impose, sur fond de supputations frisant la crainte de voir cet homme tramer le dessein de la création d'un parti concurrent, ce qui constituerait, aux yeux de la majorité silencieuse et pacifiste du mouvement, «un coup d'Etat de nature à déstabiliser Ennahdha», voire «une trahison impardonnable». Durs seront les prochains jours, du côté de Montplaisir.