Qu'importe la composition du prochain gouvernement ou l'appellation qui lui sera donnée, les Tunisiens veulent que la sécurité se réinstalle, que les investisseurs tunisiens et étrangers rouvrent les vannes et que les divisions cessent définitivement Aujourd'hui que Béji Caïd Essebsi, président de la IIe République, s'est installé officiellement au palais de Carthage et que la formation du nouveau gouvernement n'est plus qu'une affaire de quelques jours, même si l'on ne connaît pas encore la personnalité qui va constituer ce «ouvernement ou l'appellation qu'il prendra (gouvernement d'union nationale, gouvernement de coalition, etc.), la question qui taraude l'esprit des Tunisiens est la suivante: quels sont les dossiers urgents auxquels le futur gouvernement est tenu d'accorder la priorité absolue, quelle que soit sa composition ? Les supports sécuritaire, économique et politique D'emblée, le politologue Naceur Héni écarte la loi antiterroriste transférée par la défunte Assemblée nationale constituante (ANC) à l'actuelle Assemblée des représentants du peuple (ARP). «Pour moi, la loi de 2003 toujours en vigueur est plus efficace et il suffit d'en réviser quelques articles pour en faire l'instrument juridique n°1 de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent», souligne-t-il. Il dégage trois dossiers prioritaires qu'il qualifie de supports pouvant ouvrir la voie si on arrive à les traiter avec l'efficience requise à la résolution d'autres dossiers non moins importants tels que la révision du système éducatif, la recherche scientifique et l'enseignement supérieur, la mise au point d'une nouvelle stratégie culturelle. «D'abord, explique-t-il, le dossier sécuritaire dans le sens de la restructuration des institutions de la sécurité intérieure et de l'armée nationale dans l'objectif qu'elles suivent l'évolution de la société et le développement fulgurant du crime organisé et du terrorisme. Sur le plan sécuritaire, il est urgent de créer une agence de sécurité stratégique et une agence de renseignements dont les prérogatives sont plus larges que celles confiées à la sécurité de l'Etat. Ces deux agences ne feront pas double emploi avec le pôle juridique créé pour unifier l'instruction et l'examen des affaires ayant un rapport avec le terrorisme. En matière de coopération sécuritaire antiterroriste, le prochain gouvernement doit opérer sur deux fronts. Premièrement avec l'Algérie pour faire face à la menace qui nous guette à partir de nos frontières occidentales. Deuxièmement, établir une coopération poussée avec des pays comme le Niger, le Soudan, l'Egypte et le Tchad en vue de s'opposer aux terroristes qui peuvent nous attaquer à partir de nos frontières sud-est». «Le deuxième dossier prioritaire, ajoute-t-il, est le dossier économique. Il nous faut trouver une solution aux grands équilibres du budget et à son financement, loin des crédits que nous contractons actuellement à des conditions douloureuses. Pour ce qui est de l'investissement, le prochain gouvernement est tenu d'imaginer des incitations plus motivantes pour encourager les investisseurs tunisiens et étrangers à sauter le pas et à retrouver le site Tunisie. Et c'est là qu'interviendra le président de la République dans la mesure où les compétences que lui accorde la Constitution en matière de politique étrangère lui permettent de faire de la diplomatie économique le véritable support qui proposera au monde une nouvelle image de la Tunisie démocratique. Quant à ceux qui appellent à des mesures économiques urgentes comme le gel des prix à la consommation, ils doivent savoir que de telles mesures n'auront pas de grandes retombées sur le budget de l'Etat dans la mesure où l'Etat ne peut intervenir que pour les produits compensés. Le véritable problème, c'est la compensation des carburants, en premier lieu le pétrole dont le prix est en train de baisser». «Le troisième dossier, enfin, est le dossier politique. Aujourd'hui que le pays est doté d'une présidence permanente et bientôt d'un gouvernement stable, il est important de réussir sur deux plans. Premièrement, la consécration des droits du citoyen et l'instauration d'une démocratie que le citoyen perçoit quotidiennement. C'est la condition essentielle pour que les investisseurs reviennent en Tunisie. Ils ne reviendront pas s'ils s'aperçoivent que les bavures vont continuer ou que la situation sociale reste altérée. Deuxièmement, le renforcement de l'union nationale de façon à ce que les Tunisiens aient le sentiment que le gouvernement est celui de tout le monde et non celui des partis qui le composent. Les autres dossiers comme celui de l'Instance vérité et dignité peuvent être ouverts et résolus mais à condition que les dossiers prioritaires soient traités avec succès», conclut-il. Nous pensons déjà aux municipales et aux régionales Du côté de Nida Tounès, l'orientation dominante est que le dossier sécuritaire et le dossier économique sont interdépendants. Le Dr Souheil Alouini, député nidaiste et l'un des pionniers de l'Open-government en Tunisie, estime que «le retour à l'adoption de la loi antiterroriste est urgent mais à condition qu'elle soit réexaminée, avec célérité, au niveau des commissions parlementaires». Volet économique, «Nida Tounès est convaincu de la nécessité de concrétiser la discrimination positive au profit des régions dites prioritaires et de réviser le code des investissements afin d'y introduire de nouvelles incitations qui feront retourner les investisseurs étrangers. Quant à la préservation du pouvoir d'achat du citoyen, elle constitue aussi l'une de nos priorités et il n'est pas question que la compensation soit supprimée. Elle doit parvenir, à tout prix, à ceux qui en ont réellement besoin. Et nous sommes obligés de trouver la formule qui mettra fin aux dysfonctionnements actuels de la Caisse de compensation». Enfin pour ce qui est du dossier politique, le Dr Souheil Alouini est convaincu : «Aujourd'hui, la situation politique, sociale et économique ainsi que les dossiers sectoriels qui attendent le prochain gouvernement nous imposent d'opter pour une cohabitation positive». Reste une autre priorité à laquelle Nida Tounès accorde un intérêt particulier. «Il s'agit, précise-t-il, des élections municipales et régionales prévues d'ici fin 2015 au plus tard et à la préparation desquelles nous nous attelons déjà», révèle-t-il.