Pour commencer l'année en beauté, Mounir Argui et son équipe entament le premier cycle de représentations de sa nouvelle pièce Le Gardien sur la scène du Centre des arts de la marionnette D'après le texte original du dramaturge et metteur en scène anglais Harold Pinter, prix Nobel de littérature 2005, Mounir Argui tisse une intrigue à trois personnages autour de la nature humaine, les conflits, les déchirements et la cupidité, thèmes de prédilection de l'auteur anglais. «Le grand frère» invite un clochard chez lui, une pièce unique encombrée d'un bric-à-brac après l'avoir tiré d'une dispute dans un café. Davies finit par accepter l'offre et il est hébergé temporairement. N'ayant ni argent, ni domicile, ni papiers il se révèle un vieil homme opportuniste, parasitaire et peu aimable, se plaignant de tout. «Le jeune frère», propriétaire de la maison dans laquelle vit son aîné, semble irrité par l'intrusion du clochard. Il lui propose d'être gardien de l'immeuble mais sa patience finit par s'user devant l'égoïsme du vieil homme. Les relations deviennent tendues entre ces trois personnages et apparaît, alors, la vraie nature de chacun. Entre rires et pleurs, rêves et réalité, logique et absurde, l'univers de Pinter se dépeint dans la proposition de Mounir Argui. L'auteur anglais, dont l'œuvre est associée au théâtre de l'absurde, se base sur le comportement des personnages pas toujours clairement motivé : pourquoi «le grand frère» héberge-t-il le SDF? Pourquoi le jeune lui est-il hostile d'emblée? Pourquoi les deux frères lui offrent-ils un emploi? Est-ce une offre sincère? Ont-ils d'ailleurs besoin d'un gardien? Qui est réellement cet SDF? Chacun des trois protagonistes semble se réfugier dans des projets dont on comprend vite qu'ils ne verront jamais le jour à l'image de Vladimir et Estragon dans En attendant Godot, de Samuel Beckett, ils attendent, tentant de s'abuser eux-mêmes par des chimères supposées améliorer leur existence et lui donner sens. Cependant, la pièce ne rejette pas entièrement les conventions dramatiques : elle contient une intrigue, qui progresse entre un début et une fin, et les personnages ne sont pas entièrement détachés de la réalité. Et si les échanges verbaux manquent souvent de suite, si les pauses et les hésitations abondent, si certains de leurs comportements paraissent étranges, il n'est pas possible pour autant de parler d'irrationalité ou d'illogisme : au fond, ce sont des échanges qui rappellent curieusement ce que l'on entend dans la vie réelle. Le Gardien, de Mounir Argui, avec Moëz Hamza et Nour Zrali, donne rendez-vous au public du 4e Art les 8, 9 et 10 janvier à 18h30 au centre des arts de la marionnette.