Ils sont pratiquement tous d'accord sur les compétences du nouveau chef de gouvernement et sur son efficacité. Maintenant qu'il a entamé ses consultations, ils lui accordent le préjugé favorable mais ils attendent les actes Finalement, le nom du chef du prochain gouvernement a été révélé officiellement à l'opinion publique nationale et internationale. Habib Essid, ancien ministre de l'Intérieur à l'époque du gouvernement intérimaire de Béji Caïd Essebsi, a été choisi par Nida Tounès pour former l'équipe gouvernementale qui aura à conduire le pays durant les cinq prochaines années. Hier, il a été reçu par le président de la République qui lui a remis sa lettre de mandature. Et le chef du gouvernement désigné de déclarer aux journalistes qu'il fera tout pour constituer son gouvernement le plus tôt possible. Reste comment réagissent les acteurs du paysage politique national à la désignation du nouveau chef de gouvernement et qu'attendent-ils de lui, plus particulièrement au niveau des dossiers auxquels il devrait accorder la priorité. La Presse a donné la parole à certains chefs de partis qui s'accordent à dire en chœur : «Essid a notre préjugé favorable, mais nous attendons les actes». Mohamed Bennour, membre du bureau exécutif d'Ettakatol : Nous attendons le programme et les ministres La désignation de Habib Essid pour la formation du prochain gouvernement est une résultante logique des élections législatives. Nida Tounès a fait ses choix et il sera responsable de la prochaine étape. Habib Essid pourrait être l'homme de la situation. La Tunisie a besoin d'un homme qui peut maîtriser le dossier sécuritaire et endiguer le fléau terroriste. Son expérience lui permettra de finir le travail entamé par Mehdi Jomaâ à la tête de la cellule de crise antiterroriste. L'important maintenant est qu'il nous révèle le plus tôt possible son programme et les hommes qui vont l'épauler pour exécuter ce programme. Notre pays a besoin de sortir de la phase transitoire et d'aller de l'avant. Les priorités sont connues : développement régional, emploi, remise en route de la machine économique et surtout la réinstauration de la stabilité qui rassure les investisseurs tunisiens et étrangers. Au sein d'Ettakatol, nous n'opterons pas pour l'opposition systématique mais nous resterons vigilants pour préserver les acquis de la révolution, en premier lieu la liberté de la presse et d'expression. Ahmed Safi, membre de la direction nationale du Parti des travailleurs : La priorité sera accordée au dossier sécuritaire Le message est clair : le choix de Habib Essid montre que la priorité absolue sera accordée au dossier sécuritaire. Avec un Premier ministre qui connaît les arcanes du ministère de l'Intérieur comme sa poche, Béji Caïd Essebsi va assurer une mainmise totale sur le dossier de la lutte contre le terrorisme, d'autant plus que le futur ministre de la Défense sera choisi parmi les fidèles au chef de l'Etat. Un deuxième message : le dossier économique ne sera pas parmi les compétences du chef du gouvernement qui n'aura pour choix que de poursuivre les réformes que le gouvernement Jomaâ n'a pas réussi à réaliser. Et ces réformes ne sont plus un secret. Il s'agit de l'annulation de la compensation, de l'adoption de la formule partenariat public-privé et de la révision de la fiscalité. Ce sont les dossiers que l'on peut considérer comme les plus urgents. Reste à savoir comment le gouvernement Essid va les aborder. Et avec l'assassinat du policier perpétré à El Fahs par les takfiristes, le gouvernement sera obligé de donner la priorité à la révision de la loi organisant l'intervention des forces sécuritaires sur le terrain face aux terroristes qui n'ont pas baissé les bras. Au sein du Front populaire, les discussions se poursuivent encore sur l'éventualité de faire partie du prochain gouvernement. Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique démocratique : Essid bénéficie du préjugé favorable en attendant les actes Habib Essid est un homme d'Etat qui a fait montre de sa compétence et de son efficacité dans les hauts postes qu'il a déjà occupés, plus particulièrement au ministère de l'Agriculture et au ministère de l'Intérieur. Il est réputé également pour son attachement à l'application de la loi. Notre ambition est de le voir choisir une équipe ministérielle qui sera homogène et efficace et travaillant sur la base d'une somme d'objectifs clairs, réalistes et réalisables. Au sein du Parti du travail patriotique démocratique, nous considérons que l'étape n'autorise plus d'expérimentation ou d'erreurs. Nous avons besoin de messages rassurants, plus particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme. Il n'est plus question d'attendre que les terroristes commettent leurs crimes pour les poursuivre. Il faut les attaquer là où ils se terrent. Le deuxième dossier est celui des mesures économiques urgentes à prendre en vue de mettre un terme à la détérioration continue du pouvoir d'achat du citoyen et à la montée vertigineuse des prix des produits de consommation de base. Reste le dossier politique. Il faut stopper ce fléau qui menace sérieusement l'unité nationale. Il n'est plus questions de poursuive la division des Tunisiens puisque la Tunisie appartient à tous les Tunisiens et tous ont l'obligation de contribuer à l'édification de son avenir. Au sein du Parti du travail patriotique démocratique, nous accordons le préjugé favorable au gouvernement Essid qui aura tout notre soutien au cas où il mettrait en œuvre la politique que nous attendons. En plus clair, nous jugerons Habib Essid et ses ministres sur leurs actes. Quant à participer au gouvernement, nous avons été approchés et nous répondrons en fonction du programme commun qui sera retenu en vue de sauver le pays. Riadh Ben Fadhl, secrétaire général d'Al Qotb : Le pouvoir s'est-il déplacé de La Kasbah à Carthage ? Nous considérons la nomination d'un indépendant à la tête du gouvernement comme une démarche pour le moins étrange car qui sera le garant de l'application du programme de Nida Tounès pour lequel les électeurs ont donné une majorité au Parlement ? Au Qotb, nous avons un réel souci du déplacement du centre de gravité du pouvoir de La Kasbah vers Carthage, ce qui correspond à un déni constitutionnel. Nous avions demandé que le chef de gouvernement ne soit issu ni du système Ben Ali ni de la Troïka. Or Habib Essid a opéré dans les deux corpus. Au Qotb, nous veillerons au grain pour que les objectifs de la révolution soient pris en compte par le nouveau gouvernement. Mais d'ores et déjà, nous sommes sceptiques quant à la capacité d'Essid à rassembler autour des thématiques de la révolution du 17 décembre-14 janvier. Les mesures d'urgence auxquelles doit s'atteler le gouvernement concernent avant tout la protection du pouvoir d'achat des citoyens, d'une part, et, d'autre part, la vérité sur les assassinats des martyrs Belaïd et Brahmi. Un autre dossier sur lequel nous serons intraitables concerne la vérité sur les événements de la chevrotine à Siliana.