Une démarche historique, un documentaire qui relève de l'évocation d'un mythe fondateur d'une nation. La salle de cinéma de l'espace culturel Agora, qui compte cent sièges, affichait complet. Le public est venu découvrir un nouveau chapitre de la vie et du parcours du leader Habib Bourguiba. Il s'agissait de la toute nouvelle pièce de théâtre de Raja Farhat, Bourguiba : le discours du Palmarium. Cette pièce de l'homme de théâtre et non moins historien Raja Farhat est le troisième volet d'une trilogie qui retrace la vie et le parcours du Leader après deux premières pièces intitulées Bourguiba, dernière prison (I) et (II). Elle se situe, en effet, dans les années soixante-dix et se focalise sur la visite de Mouammar Kadhafi et le projet d'union arabe. «Tous ceux qui ont vécu cet évènement surréaliste du Palmarium en 1972 savent que c'était un moment exceptionnel où Bourguiba parlait en direct sur les radios et faisait le procès des premières lueurs de l'islamisme politique apparues suite à la défaite de 1967. Jusqu'à aujourd'hui, ce discours demeure d'actualité déroutante», déclare le dramaturge en parlant de sa nouvelle pièce. On est le 15 décembre 1972, Kadhafi, en visite en Tunisie, fait un discours pour appeler les Tunisiens à le rejoindre dans son projet d'union avec la Libye. Dans la grande salle de cinéma du Palmarium, de l'époque, Kadhafi propose donc son projet : une nation arabe unie. Le président Bourguiba, qui, dans son palais, écoutait ce discours, rejoint illico la salle du Palmarium et interrompt Kadhafi. On a eu donc droit à des anecdotes et à des bribes d'histoires qui retracent le parcours du Combattant suprême, sa vision, ses stratégies et son sens de l'humour. Le dramaturge et historien Raja Farhat, dans la peau du Leader, fait son entrée sur scène. Il incarne parfaitement ce personnage; une voix vibrante, une gestuelle et une posture presque identiques à celles du Leader. Le dramaturge a fait «revivre» Bourguiba et l'a fait connaître à tous ceux qui ne l'ont pas connu. Le décor est sobre : une simple table, un micro et, en arrière-plan, une projection de photos défilant de temps à autre, montrant les portraits de Kadhafi, Jamal Abdennasser et Bourguiba. Avec un ton sarcastique, le comédien s'est arrêté, pendant plus d'une heure trente minutes, sur des épisodes phare de l'histoire de la Tunisie, son identité, la lutte et le combat contre la colonisation et l'obscurantisme. La pièce remonte dans l'histoire, évoque des dates marquantes de la libération de la Libye et tourne en dérision le Colonel Kadhafi, le qualifiant d'inexpérimenté, d'inculte et d'idiot. Dans un va-et-vient entre l'histoire tunisienne et celle de la Libye, le discours de Bourguiba met l'accent sur ses victoires et la défaite des pays arabes, à l'instar de l'Egypte et de la Libye, ainsi que l'échec du projet d'«union arabe». La pièce de Raja Farhat s'est focalisée sur l'épisode de l'interdiction de la polygamie, l'émancipation de la femme et la sauvegarde de tout un legs de civilisation, ce que la Libye a laissé mourir. «Revenez vers l'essentiel et laissez l'accessoire», s'adressait Bourguiba, dans la pièce, à Kadhafi, sur un ton moqueur. Bourguiba : le discours du Palmarium est une pièce qui éclaire sur des bribes de la vie et de l'œuvre d'un grand chef d'Etat, le fondateur de la Tunisie moderne et libérateur de la femme. Le personnage intarissable et théâtral de Bourguiba, dont l'acteur Raja Farhat rend compte dans une parfaite imitation, voire une absorption totale des moindres recoins, révèle une démarche historique, un documentaire qui relève de l'évocation d'un mythe fondateur d'une nation.