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Un comédien sans paradoxe
L'entretien du lundi — Raja Farhat — (homme de culture)
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 11 - 2013

Raja Farhat vient de donner suite à sa pièce «Bourguiba, la dernière prison». À l'occasion de la sortie de «Bourguiba 2» nous avons eu cet entretien avec l'artiste, l'intellectuel et l'homme de théâtre.
«Bourguiba, la dernière prison» suivie de «Bourguiba 2». Cette saga nous paraît paradoxale quand on connaît les rapports conflictuels du Chef Suprême avec feu votre père. Pourquoi, donc,cette fascination pour Bourguiba ?
Le vrai paradoxe serait de confondre un exercice dramaturgique, une création et une histoire personnelle ! Mon père, Sahbi Farhat, était un enseignant normalien de la première génération des fondateurs de l'enseignement tunisien moderne. Comme dirigeant du Syndicat de l'enseignement, il a contribué à fonder l'UGTT en 1946 avec le leader Farhat Hached, Cheikh Fadhel Ben Achour et Sadok Chaïbi, dirigeant du syndicat des fonctionnaires.
Sa fidélité à cheikh Abdelaziz Thaalbi et au premier Parti Destourien sera constante sans pour autant signifier une hostilité de principe au Néo-Destour. Il a toujours eu une estime certaine pour Bourguiba aux heures difficiles du Mouvement national.
A l'Indépendance, la tentative de Bourguiba pour unir les deux destours sous sa conduite échoua. Sahbi Farhat s'est employé alors à faire ce qu'il aimait faire : former des instituteurs pour les milliers d'écoles qui fleurissaient.
Par deux fois, en 1958 et en 1962, les conjurés anti-Bourguiba le destinèrent à la charge du ministre de l'Education. La rafle du complot militaire de 1962 l'emportera avec des centaines de militants politiques.
Bien que victime d'un accident cérébral sérieux au printemps 1962, il a été condamné à deux années de prison pour «non-dénonciation de projet séditieux» !
En octobre 1963, Il y a de cela, cinquante ans déjà, il rendit l'âme à l'antique prison de Ghar El Melh et ses funérailles, conduites par le Mufti de la République, son ami Cheikh Fadhel Ben Achour, seront la dernière manifestation de l'opposition après l'instauration du régime du parti unique !
En 1980, Bourguiba me présenta ses excuses en pleine cérémonie de la Fête de la République au Palais de Skanes et rendit hommage à mon père, grand militant de l'enseignement et de la cause nationale !
Fidèle au serment des funérailles de mon Père, j'ai toujours refusé toute appartenance partisane mais j'ai toujours placé le «vivre pour autrui» d'Auguste Comte adopté par Bourguiba, au premier rang de mes choix. Aucune carte de parti, la Patrie et le peuple d'abord !
Ce ne fut pas toujours si simple, mais je m'y suis tenu jusqu'à présent...
Pourquoi avoir écrit et mis en scène Bourguiba 1 et 2 ?
Au théâtre nous sommes des interprètes, des médiateurs distants, de fables ou de paraboles.
Ecrire, mettre en scène et jouer le personnage historique de Bourguiba fut, pour moi, un défi multiple. Un quart de siècle après sa disparition de la scène politique, il était l'absent-présent. Le dictateur ignare qui lui a succédé était gêné par cette ombre du Père de la nation. Il a fait taire sa voix, fait disparaître son nom du discours officiel et même du langage quotidien. Dans les médias, il n'y avait plus d'Avenue Bourguiba mais une Avenue principale. Ses funérailles en avril 2000 ont été escamotées et un fameux documentaire animalier a été diffusé pour que l'émotion et les larmes des Tunisiens ne soient pas audibles. Une mutilation de la mémoire d'une véritable épopée nationale...
Que restait-il de Bourguiba ? Le public allait-il venir récupérer cette mémoire mutilée ?
Les jeunes allaient-ils s'intéresser à cette vieille histoire ?
C'est une construction complexe où l'histoire du XXe siècle se confond avec l'itinéraire d'un personnage romanesque hors du commun, représentant d'une élite cultivée, qui a vécu les grands séismes du siècle, ses révolutions communistes et fascistes, l'émergence des superpuissances soviétique et américaine et surtout les bouleversements profonds du monde arabe et musulman.
Son voyage à travers la Tunisie rurale et ses tribus et la Tunisie citadine et ses villes, sa passion du dialogue direct avec les plus humbles est à lui seul d'une telle densité qu'il faudrait un long récit de toute une nuit pour en jouer les grands moments !
La première partie embrasse les séquences du mouvement national, les prisons et les exils et la seconde partie, la longue séquence de la fondation de l'Etat, les succès comme les échecs, les alliances comme les ruptures notamment avec la jeunesse marxiste ou islamiste !
Aujourd'hui, je joue les deux parties de mon récit qui totalisent cinq heures...et ma surprise, c'est l'engouement et l'émotion du public qui est attaché à cette saga au point d'oublier l'heure tardive...c'est vraiment une aventure intense et au bout d'une centaine de représentations je constate que la saison 2013/2014 va conduire le spectacle BOURGUIBA vers toutes les villes du pays, du Maghreb et d'Europe...Une série télévisée et un film documentaire de fiction seront achevés en 2014...
Pensez-vous que vous allez rencontrer les mêmes «annulations» dans certains festivals que le premier spectacle ?
Il y a eu quelques annulations dans telle ou telle ville où certains «responsables culturels» ont été sensibles aux pressions des nouveaux censeurs mais nous sommes des vieux routiers de la culture et nous connaissons très bien nos centaines de villes et localités plus que la plupart des apprentis– sorciers .Nous sommes forts d'une légitimité qu'ils n'ont pas : le public populaire qui remplit nos salles !
Le succès de cette pièce, que vous a-t-il appris sur le public tunisien ?
Ce public tunisien que je fréquente depuis les années 70 est une mosaïque infinie de générations, de catégories, de sensibilités locales et régionales mais une chose essentielle réunit toute cette variété, c'est un attachement profond, résolu, intelligent à ce bout de terre qui s'appelle la Tunisie et son histoire, à son mode de vie et d'être au carrefour de toutes les mers, de toutes les cultures, sans jamais se détourner de cette empreinte arabo-musulmane commune à nos familles.
Et le symbole de Bourguiba et de la génération brillante des bâtisseurs de l'Etat, de l'administration, de l'école, de la santé et de l'économie le touche profondément.
Je suis encore ému par les gens en larmes qui viennent me féliciter après le spectacle, au Nord comme au Sud !
Dans votre carrière il y a deux grandes étapes qui focalisent notre attention. Celle de l'expérience avec le théâtre de Gafsa qui était une première en Tunisie. Et celle de la direction de grands festivals en Tunisie. Si vous avez à les résumer que diriez-vous ?
J'ai eu un itinéraire modeste, à la fois long et riche mais uniquement centré sur la culture et la communication. Bien entendu l'initiation du Théâtre du Sud de Gafsa, au cœur du bassin minier et ses mille particularités, a été dure et utile.
Je me rappelle encore de nos premiers pas à Gafsa, sur des tréteaux de bois, avec des décors peints par Jaziri ,lancer la version tunisienne de l'Arlequin de Goldoni, Jha et l'Orient en désarroi, pour une re-création de la Commedia dell'arte italienne, véritable école de l'art de l'acteur ...
Mahmoud Messaâdi et ensuite Chedli Klibi et d'autres bons ministres de la Culture m'ont permis de diriger de grandes institutions comme les Festivals de Carthage ou le Festival de Hammamet pour servir d'abord la création artistique tunisienne et de maintenir la dimension arabe et universelle de ces festivals. Les souvenirs de quelques spectacles comme l'ouverture de Carthage par les poètes et chanteurs populaires en 1980, nostalgie tunisoise ainsi que la visite de Charles Mingus, Gato Barbieri ou BB King, la découverte d'Anouar Brahem, Lotfi Bouchnak, Majda Roumi ou Marcel Khalifa restent vivaces !
Que vous a apporté votre formation au «Piccolo Teatro» de Milan ?
Le Piccolo Teatro créé après la guerre, avait deux patrons historiques : l'artiste démiurge Giorgio Strehler qui a créé le répertoire le plus universel pour cette petite salle du centre de Milan, ensuite l'administrateur talentueux Paolo Grassi qui a proclamé que «la Cité a besoin du théâtre et que le Théâtre a besoin des citoyens». Aucun créateur important, lointain ou marginal du théâtre mondial, n'y était absent. Le Théâtre NO ou Kabuki japonais, le Jazz le plus rare, les dramaturges réputés ou les jeunes prodiges comme Patrice Chéreau ou Ariane Mnouchkine étaient accueillis pour des spectacles marquants. Le message du Piccolo Teatro à ses étudiants était : observez le vaste monde des arts et des idées et écrivez votre projet !
Jeune directeur de 28 ans du Festival de Carthage, je fus surpris par l'arrivée soudaine de mon maître Paolo Grassi à Tunis pour me dire sa fierté d'avoir formé le Directeur d'un si beau Festival !
Quelles sont les choses que vous regrettez dans votre parcours ?
La période administrative de la culture au point d'oublier presque entièrement le devoir de création. Elle fut cependant utile pour soutenir de jeunes camarades qui me le rappellent encore !
On vous reproche souvent vos choix politiques...
Je n'ai jamais eu des choix politiques personnels .Je vivais en parallèle avec le pouvoir politique. Mais vous voulez sans doute soulever la question embarrassante de la vie des intellectuels et des artistes sous la dictature !
La plupart des gens de la culture ont côtoyé le système sans se compromettre outre mesure !
Le mauvais procès qu'on leur a fait était à la fois injuste et hypocrite.
Dans un texte publié au lendemain du 14 janvier, j'explique les mécanismes de la soumission de toutes les familles de la culture et de la communication à la dictature.
Le texte est titré «temps de la dictature, la culture avilie». Ainsi, tout au long des années de cette arrogante mainmise, les archéologues et historiens les plus brillants, les écrivains les plus talentueux, les cinéastes et les gens de théâtre les plus connus, les peintres et les musiciens ont été non pas sollicités mais sommés d'assurer une sorte de permanence obligatoire dans l'agenda dément des mille événements de la propagande du pouvoir et de son parti majoritaire de deux millions et demi d'adhérents ,c'est-à-dire la moitié des adultes de ce pays.
Votre position en tant qu'artiste mais aussi de citoyen vis à vis des menaces terroristes sur la Tunisie ?
Dans un beau texte écrit à la fin de sa vie, Freud parlait de ces forces meurtrières souterraines qui se lèvent à la faveur des crises et qui font voler en éclats la mince couche de culture et de tolérance de notre Monde !
Il n'y a pas de bouleversement historique sans l'apparition aux extrêmes, de forces obscures souvent manipulées pour brûler la terre au nom du ciel ! Je vivais à Paris dans les années 80, au temps des explosions meurtrières quasi quotidiennes dans les magasins ou les trains !
L'Irak est aujourd'hui frappé tous les jours sous couvert de règlements de compte entre Sunnites et Chiites ! Comme tous les pays victimes de ce cancer, notre pays renaîtra plus juste, plus libre, plus prospère par la force prodigieuse de son peuple civilisé.
C'est le prix à payer pour fonder un vrai Etat de droit, une démocratie qui offre une vie meilleure à nos enfants !Notamment une démocratie culturelle qui anime enfin nos 240 Maisons de la culture et permet à notre enfance et à notre jeunesse une éducation artistique digne de ce nom !


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