Par Moncef Kamoun* Après une deuxième phase de négociations et de concertations avec les partis politiques, le chef de gouvernement, Habib Essid, a présenté, lundi 2 février, la composition du nouveau gouvernement. Ceci vient suite à l'annonce le 27 janvier d'une première équipe gouvernementale qui n'a pas fait l'unanimité et qui était l'objet de critiques, notamment des islamistes d'Ennahdha. La nouvelle composition compte des changements, notamment l'intégration d'Ennahdha, ainsi que le parti Afek Tounes. La participation des femmes reste toujours faible avec un gouvernement composé de 27 ministres dont 3 femmes seulement et 17 secrétaires d'Etat dont 7 femmes. Cette fois-ci le compte est bon Ennahdha, qui détient 69 sièges au Parlement, exclu lors de la première composition du 23 janvier, fait son entrée dans le gouvernement et obtient le portefeuille de la Formation professionnelle et de l'Emploi, accordé à Zied Laâdhari. Nejmeddine Hamrouni, également issu d'Ennahdha, est le nouveau secrétaire d'Etat chargé de la remise à niveau des établissements hospitaliers, Mme Boutheina Ben Yaghlane, également membre d'Ennahdha, devient secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances, et Amel Azouz, membre du conseil de la Choura, a été désignée secrétaire d'Etat auprès du ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, chargée de la coopération internationale. Le parti Afek Tounes, qui détient 8 sièges au Parlement, fait également son entrée dans le gouvernement et obtient trois portefeuilles ministériels. Yassine Brahim est désigné ministre du Développement régional, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Noômane Fehri, ministre des Technologies, des Télécommunications et de l'Economie numérique, et Samira Marii, ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance en remplacement de Khadija Chérif militante des droits de l'Homme et des droits de la femme. Alors, avec les 86 députés de Nida Tounès, les 69 élus d'Ennahdha, les 16 députés de l'Union patriotique libre et enfin les 8 élus de Afek Tounès, la nouvelle liste peut donc compter sur le soutien de 179 des 217 parlementaires. Le compte est cette fois-ci bon. Sans opposition forte, est-ce de nouveau le parti unique ? On désigne par opposition les partis politiques ou les mouvements n'appartenant pas à la majorité parlementaire et donc s'y opposant. L'opposition a dans les démocraties plusieurs fonctions, elle constitue tout d'abord un contre-pouvoir, c'est-à-dire qu'elle permet d'éviter que la majorité, une fois parvenue au pouvoir, n'ait la tentation de mener une politique portant atteinte aux droits et libertés, elle représente aussi la possibilité d'une alternance politique et participe à l'existence du pluralisme politique qui est une des bases de la démocratie. Ce pluralisme permet de choisir ses gouvernants. Or, il n'y a de choix véritable que si l'électeur peut se prononcer entre plusieurs possibilités. Ainsi, l'opposition, en proposant un nouveau cours à la politique nationale, permet aux citoyens éventuellement mécontents de disposer d'un recours. Avec les moyens, évoqués plus haut, à la disposition des parlementaires, elle peut manifester son désaccord envers la politique suivie. L'opposition permet enfin de renouveler le personnel politique, lorsque la majorité perd le pouvoir, une nouvelle génération d'hommes politiques peut trouver une place de choix dans l'opposition et se préparer ainsi à assumer des fonctions importantes à l'occasion d'une victoire à venir. Le rôle de l'opposition est donc essentiel en démocratie puisqu'il revient à ceux qui ne sont pas au pouvoir la lourde tâche de forcer les gouvernants à expliquer et justifier leurs choix mais surtout à les assumer en tant que choix. Une démocratie est par définition un exécutif élu par la nation et contrôlé par l'opposition parlementaire. L'opposition joue un rôle prépondérant, à condition que les règles démocratiques soient respectées. La majorité se doit de respecter les minorités opposantes et la minorité ne doit pas empêcher les gouvernants, qui ont reçu un mandat politique par une majorité de citoyens, d'agir. Elle contrôle le pouvoir de la majorité et propose une alternative au pouvoir en place sans remettre en cause la nature du régime. *(Architecte)