Bourga, une pièce de théâtre adaptée à la tunisienne d'après «Huis clos» du père de l'existentialisme du 20e siècle, Jean-Paul Sartre. Les personnages doivent rester à jamais ensemble, et l'on comprend comment l'Autre est synonyme d'enfer. Pour la première fois en Tunisie, on vient de donner une version théâtrale tunisienne fidèle à celle de Jean-Paul Sartre intitulée Bourga. La pièce, mise en scène par l'acteur Jamel Sassi, a été jouée en première, jeudi dernier, à la salle de cinéma Le Mondial. Le monde des lettres, hommes de théâtre, acteurs et médias ont afflué en grand nombre à la découverte de cette création théâtrale. La pièce de Sartre mais aussi l'adaptation de Jamel Sassi s'inscrivent dans le genre du théâtre de l'absurde. Un courant littéraire et philosophique qui a émergé au 20e siècle, après la Seconde Guerre mondiale, époque où l'on se posait plusieurs questions sur la futilité de la vie, son sens, la condition humaine et son étrangeté face à un monde absurde. La pièce tunisienne, fidèle à la thématique principale, est traduite en dialecte tunisien. Nous sommes dans une pièce où l'obscurité règne. Trois chaises, et une statue en bronze, à signification symbolique, sont placées sur scène. Un garçon d'étage, rôle campé par Lassaâd Jlassi, entraîne avec lui le premier protagoniste. Ce dernier, nommé «Ghassan» (un nom très proche du personnage de Sartre, «Garcin»), est un journaliste politique, avec qui il entame dès lors un dialogue pas très cohérent. On parle des outils de torture physique et autres sans qu'il y ait un véritable rapport logique avant l'arrivée du deuxième et du troisième personnage. Il s'agit de deux femmes, une ancienne employée des postes, Inès, rôle incarné par Leïla Chebbi, et une bourgeoise, jouée par Inès Ben Abdessalem. Une fois tous les trois enfermés dans la pièce, ils font connaissance, échangent des répliques, se confessent, se débattent, s'opposent pour aboutir finalement à une seule vérité : «L'enfer, c'est les Autres». Est-ce que c'est le hasard qui les a réunis ensemble, ou bien tout a été arrangé ? C'est la question à laquelle on cherchait, en vain, une réponse et qui reste à jamais sans réponse. Ces trois personnages, avec leurs différences, se trouvent liés l'un à l'autre, condamnés à rester ensemble à vie. C'est à travers l'existence de l'Autre que nous ressentons notre vie, triste réalité qu'on réalise au fil du dialogue, de l'usage récurrent de mots clés tels que «miroir», «chaleur»... qui nous renvoient à l'idée de l'Autre, à l'idée de l'enfer. «Nous sommes des bourreaux les uns pour les autres», a compris finalement Ghassan. Bourga est dotée d'un rythme lent, de lourds moments de silence entrecoupent les dialogues. Parfois, le jeu d'acteur est irréprochable ; des postures figées symbolisant le refus de l'existence de l'Autre, des rapports qui deviennent tendus. Vérité incontestable : l'existence de l'Autre dérange.