La nécessité impérieuse de créer un musée d'art moderne et contemporain afin de vulgariser la production artistique de Tunisie surtout et d'ailleurs. Quelle place pour l'entreprise muséale dans la vulgarisation et l'évolution de la culture artistique? Quel rôle pour l'art dans l'évolution de l'histoire des musées? Quel rôle pour l'entreprise muséale dans l'histoire de l'art? Comment établir un constat du reliquat des œuvres d'arts plastiques en Tunisie, aujourd'hui? Tels sont les principaux axes évoqués lors du colloque national ayant pour thème : «Pour un musée d'art moderne et contemporain en Tunisie», organisé par le commissariat régional à la culture, en collaboration avec la Ftap, l'Uapt et le Smap et qui a eu lieu à Sousse les 14 et 15 février en présence d'un grand nombre d'artistes, de critiques d'art, d'universitaires et de chercheurs. Plusieurs interventions-débats ont permis de débattre de la nécessité impérieuse et immédiate de créer un musée d'art moderne et contemporain. Sans mémoire muséale,pas de renouvellement de l'art C'est ainsi que le critique d'art, Bady Ben Naceur, a mentionné dans son intervention titrée : «Sans mémoire muséale, pas de renouvellement de l'art», que le point de départ du renouvellement artistique passe forcément par la mémoire. Une mémoire muséale visuelle et une fidélité traditionnelle à l'esthétique et à la pensée des créateurs. «En Tunisie, a-t-il ajouté, de par mon expérience dans le milieu artistique, surtout dans la capitale, j'ai pu observer, depuis une quarantaine d'années, qu'il n'y a jamais eu une réelle volonté politique de fonder un musée d'art contemporain et moderne, malgré l'émergence de beaucoup d'artistes et le foisonnement des œuvres d'art. Ce sont les galeries privées, surtout, qui ont poussé au renouvellement artistique et qui ont joué le rôle de mémoire visuelle. Grâce, aussi, aux rares mécènes, aux collectionneurs ainsi qu'aux enseignants de l'école des Beaux-Arts. Mais tout cela n'aura pas suffi à cette pérennité de la mémoire qui, en Occident, n'a jamais été atrophiée ou perdue, du fait de la présence des musées et du renouvellement permanent de l'art... C'est-à-dire de son évolution de siècle en siècle, depuis plus de six cents ans!». «Depuis l'indépendance de la Tunisie, le ministère de tutelle n'a eu de cesse d'engranger des milliers de travaux acquis dans une sinistre et vieille bâtisse de la dynastie beylicale à Khaznadar. J'ai connu durant ces 40 ans beaucoup d'artistes et j'ai pu constater finalement qu'il y en avait de deux sortes : ceux qui entraient dans l'ordre et ceux qui n'avaient d'autres choix que de finir à la morgue. Certains disparaissaient même avant l'heure...». «C'est pour cette raison qu'il est urgent de créer des musées, non seulement à Tunis, mais aussi dans toutes nos régions puisqu'il existe, maintenant, des écoles et autres instituts des Beaux-Arts de partout. A commencer par Sfax, capitale du Sud et grand vivier d'artistes à l'imaginaire exceptionnel. Alexandre Roubtzoff, peintre russe, est arrivé au milieu des années 30 en Tunisie, la même année que Paul Klee. Il était tombé amoureux de notre pays, de sa lumière et de ses riches traditions, à telle enseigne qu'il ne le quitta plus jusqu'à sa mort où il fut inhumé au cimetière du Borgel à Tunis. La variété de ses œuvres lui a valu une renommée internationale. Il fut tunisien à telle enseigne qu'il chercha un local à Tunis pour ouvrir un musée d'art contemporain! Il était en avance sur son temps. Et que de temps perdu depuis», conclut-il. Le cas d'un musée d'art contemporain à Genève Abderrazak Hammouda —artiste calligraphe et licencié en Langue persane de l'Institut des langues orientales de Paris— a indiqué au cours de son intervention, portant sur «le cas du musée d'art contemporain à Genève baptisé Mamco», que, «celui-ci, créé en 1994, est en évolution permanente et comporte 4.000 œuvres d'artistes de Suisse et d'ailleurs. Il a indiqué que depuis 1994, ce musée —financé par des fondations privées ainsi que par le Canton de Genève— a organisé 450 expositions ainsi que des colloques et des conférences pour remettre en question et en permanence sa politique et refixer ses objectifs. D'où son évolution permanente. Ce musée organise aussi des ateliers interactifs au profit des enfants et donne des cours d'initiation aux arts plastiques assurés par des artistes bénévoles membres du comité du musée. Il a indiqué au terme de son intervention que la Suisse dispose au total de 1.000 musées et que la ville de Genève dispose à elle seule de 40 musées à divers thèmes dont l'art contemporain, l'horlogerie...», a-t-il déclaré. Notons qu'au terme de ce colloque, des recommandations visant la nécessité de créer ce musée ont été établies en vue d'être soumises aux autorités de tutelle. A bon entendeur, salut!