Un colloque s'est tenu récemment à Dar El Médina, à La Kasbah de Tunis, sur «les arts plastiques maghrébins, autour du thème : «Art et mémoire», à l'initiative de la Fondation Kamel Lazaâr pour les arts et la culture. La coordinatrice de la rencontre, Rachida Triki, a invité à ce colloque des historiens de l'art, des esthéticiens, des artistes, des critiques et des médiateurs pour réfléchir sur les lectures du passé artistique maghrébin et sur la nécessité de favoriser celles qui impliquent notamment une historisation et de nouvelles grilles de lecture esthétique. Pour ce faire, un travail de recherche technique au niveau de la documentation est nécessaire pour revisiter notre mémoire, notre histoire passée et présente des mouvements artistiques à travers ses documents, ses institutions et ses différentes médiations. Trois tables rondes ont été organisées pour traiter de la problématique soulevée. La première a été consacrée à l'histoire des arts plastiques au Maghreb et à la nécessité d'instaurer une lecture de ses ruptures, afin d'historiciser ses modes de développement. Nadira Laggoune, professeur d'art à l'Ecole des beaux-arts d'Alger, qui a suivi avec intérêt les voies de développement des arts plastiques algériens, a montré pourquoi il faut se réapproprier l'histoire des arts par une relecture critique. Anissa Bouayed, historienne, a parlé du peintre constantinois Jean Atlan, davantage connu en France, en essayant de lui prêter un rôle dans la naissance du mouvement plastique algérien. Le Tunisien Houcine Tlili a proposé une lecture historiciste des ruptures opérées dans le mouvement pictural tunisien et maghrébin, en esquissant une lecture dynamique de l'évolution de l'histoire des arts plastiques au Maghreb entre orientalisme et patrimoine. Farid Zahi, historien de l'art marocain, a montré que le jeu de mémoire est un travail sur soi pour se réapproprier son patrimoine. Sami Ben Ameur, quant à lui, a tenté de décrire et de lire les péripéties et les ruptures du développement des arts plastiques en Tunisie à travers les activités des galeries de Tunis. La deuxième table ronde a examiné les activités des institutions s'occupant de formation artistique, de médiation d'associations, de musées, de promotion des arts plastiques au Maghreb. Une intervention très remarquée a été faite par le chercheur et conservateur marocain Mohamed Rachdi qui a concrètement illustré ses contacts par la mise en valeur d'une structure muséale de mécénat. Cette structure a permis l'installation d'un musée réalisé par la Société Générale Maroc, au profit des peintres marocains. Mme Sana Tamzini, directrice de la «Maison des arts» du Belvédère a fait de sa tentative de dynamiser le «Centre national d'art vivant» en lui insufflant le souffle de la créativité et de la générosité d'un programme multidimensionnel. Samir Triki, directeur de l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis renseigna le public sur le secteur de la formation artistique en Tunisie, qui possède une infrastructure de 13 instituts d'art et de 20.000 étudiants dans ce domaine. «Le problème est de définir les missions de ces structures, d'établir des programmes de formation et d'aboutir à créer des emplois pour les 20.000 futurs diplômés d'art», a-t-il dit. Il a aussi mis l'accent sur la nécessité de mettre en place des structures adéquates de recherche et de documentation en matière d'art plastique. Hamadi Chérif a relaté son itinéraire de galeriste et de promoteur du centre culturel de Djerba où il a réussi à marier la promotion polydimensionnelle des arts (musique, peinture) régionaux et internationaux. L'ouverture de Hamadi Chérif sur le marché international de l'art est intéressante et exemplaire comme l'est la pratique de Mohamed El Ayeb, à la galerie «Aïn». La troisième table ronde du colloque a été consacrée aux témoignages et aux perspectives de développement du secteur des arts plastiques au Maghreb. Akila Mouhoubï a présenté son expérience d'animation dans le cadre de son association Rivages aussi bien en France qu'en Algérie, son pays d'origine, où elle s'est réinstallée. Les recommandations issues du colloque soulignent la nécessité de promouvoir des annales communes numérisées des arts plastiques maghrébins. Les intervenants proposent également la création d'un centre maghrébin de documentation et de recherche en arts plastiques et de l'image. Ils proposent que le Maghreb participe en tant que tel aux manifestations et expositions les plus avancées d'arts plastiques comme à Venise, surtout, et dans d'autres manifestations de qualité dans le monde. Ils recommandent aussi de créer dans les futures institutions muséales maghrébines, des collections d'art, vouées à rassembler les œuvres produites par les artistes maghrébins. Ils soulignent, par ailleurs, la nécessité de créer des ponts entre les instituts de formation et de recherche maghrébins et de promouvoir des échanges entre eux, grâce à des séjours d'étude et à des bourses (ateliers communs), au profit des étudiants et des enseignants d'arts plastiques, d'histoire de l'art et d'esthétique. Il serait judicieux, selon les participants à ce colloque, d'instaurer des enseignements théoriques et pratiques communs dans les instituts d'arts maghrébins. Il serait également judicieux de créer des prix intermaghrébins pour les jeunes plasticiens et pour les meilleurs critiques d'art maghrébins.