L'épicentre du pouvoir est à la croisée de la politique ténébreuse, politicarde, et de ses chemins de traverse douteux. Terroristes, réseaux secrets, nouveaux riches, seigneurs de la guerre des clans mafieux... Il y a de tout. Et les petits riens engendrent le néant. Le degré zéro de la politique De nouveau, la politique en est réduite au ground zéro. Sous nos cieux, c'est le syndrome du Léviathan de Thomas Hobbes. C'est-à-dire l'homme est un loup pour l'homme et la guerre de tous contre tous. Ce week-end en a administré la preuve par l'absurde. Qu'il s'agisse des psychodrames liés aux péripéties du parti au pouvoir, Nida Tounès, ou de l'arrestation des deux confrères Moez Ben Gharbia et Wassim dit Mégalo, c'est la même rengaine. Encore une fois, le pouvoir administre la preuve de sa déliquescence soutenue. Les nuls tiennent le haut du pavé. A Nida, les positions et déclarations médiatiques plus sulfureuses les unes que les autres abondent. La guerre des clans fait rage. Plusieurs légitimités s'entrechoquent. C'est la curée, la mêlée générale autour des dignités. On fait et défait, au gré des jours et des humeurs. Orphelins de la seule personnalité charismatique qui en impose à tous, le président Béji Caïd Esebsi, les Nidaistes se déchirent. On n'en est pas encore aux procès mélodramatiques, mais tout porte à croire qu'on y sera pour bientôt. La base est fourvoyée, blackboulée entre les épicentres flasques et mouvants. Elle se sent trahie. Les boutiquiers politiques guettent, attendent au tournant. S'avisent de ratisser large et récupérer dans les rangs gorgés de doute et de dégoût. Raison pour laquelle chacun affûte ses couteaux. On s'improvise un peu partout en BCE à la veille de la fondation de son parti. Ce qui explique les projets de création de nouveaux partis dans un pays où ils sont déjà pléthoriques. En fait, à bien y voir, Nida Tounès souffre du syndrome de la salle des pas perdus. Plusieurs personnes s'y sont rencontrées, comme dans un vaste hall de gare ou de tribunal, au gré du ressentiment, de la peur et des angoisses suscités par l'ancienne Troïka au pouvoir. On s'est assemblé, rassemblé et mobilisé un peu à la va-vite. L'instinct de survie et de sauvetage a été de mise. Puis, une fois le sauvetage réussi, via les élections législatives et présidentielle, chacun a repris son chemin, sa destination, sa vocation. Et puis, chassez le naturel, il revient au galop. Les vieux tics, les vieilles inclinaisons ont repris. D'où les querelles de chapelles, les télescopages non feints. Ailleurs, des gens ténébreux ont investi la place. Les hommes de l'ombre tirent les ficelles du jeu. Les interférences avec les terroristes et seigneurs de la guerre en Libye sont légion. Trafics d'armes et de marchandises en tout genre, de jeu d'influences, de pactoles à venir tissent la toile des zones d'ombre. Le chantage et l'intimidation sont devenus monnaie courante. Les réseaux infiltrés dans les structures gouvernementales constituent des relais des manœuvres frauduleuses et autres astuces légales. La corruption éclabousse les enceintes médiatiques et associatives. L'arrestation de nos deux confrères Moez Ben Gharbia et Wassim dit Mégalo a mis au jour une sombre affaire d'écoutes téléphoniques. Qui fait quoi? Pour l'instant, on s'en tient au secret de l'instruction, voie royale du mutisme obligé. Mais il n'en demeure pas moins que cela révèle que de très nombreux journalistes sont sur écoute. Des politiciens et des hommes d'affaires aussi, vraisemblablement. On attend toujours des éclairages sur lesdites écoutes qui, théoriquement du moins, sont strictement organisées et justifiées, légalement. Le tout dans une atmosphère générale d'abandon. On peine à voir quelque timonier à la barre. Dans nos vieux pays méditerranéens, la légitimité charismatique est toujours de mise. Le rôle des grands hommes dans le destin des nations est une réalité. L'Italie, avec Matteo Renzi, président du Conseil, et Sergio Mattarella, président de la République, et la Grèce, avec Alexís Tsípras, Premier ministre, en administrent la preuve. Chez nous en revanche, c'est la déliquescence tous azimuts. Le domaine assigné au chef de l'Etat enserre le président Béji Caïd Essebsi dans une espèce de carcan doré. L'opposition est désaxée, à la recherche tant d'un dessein et d'un argumentaire que d'un chef. Les syndicats sombrent dans le corporatisme. Les réseaux occultes font que le prestige de l'Etat, slogan privilégié et leitmotiv de Béji Caïd Essebsi dans ses campagnes électorales, est devenu creux. Le plein jeu des institutions se réduit à une espèce de broderie faite sur du néant. D'où les tentations populistes de certains. Parmi les débris, les nains ont parfois des allures de géants.