Le laisser-aller, la fuite en avant et les dérives n'ont plus désormais de limites. Les chiffres révélés par les services du contrôle économique, pour le compte de janvier et février 2015, sont alarmants. Près de 80 tonnes de produits alimentaires périmés exposés à la vente ou stockés ont été saisis. Le panier de la ménagère est menacé, alors que nos politiciens continuent leurs querelles qui n'en finissent pas, tournant le dos sciemment ou inconsciemment à ce qui touche directement les citoyens Elle est bien révolue l'époque où la Tunisie entière s'alarmait quand les services du contrôle économique annonçaient avoir découvert une quantité de produits alimentaires périmés stockés ou exposés à la consommation. A l'époque, on parlait de centaines de kg de poisson périmé, de viandes rouges ne portant pas le cachet des vétérinaires des services d'hygiène ou de boîtes de conserve dont la date limite de consommation a expiré de quelques jours. Et l'Organisation de défense du consommateur, longtemps dirigée par un ancien ministre de l'Economie, en l'occurrence Abdellatif Saddem, de remuer ciel et terre et d'appeler les autorités compétentes à intervenir immédiatement et à publier, au moins, la liste des produits que les consommations sont invités à éviter. Certes, les barons de la contrefaçon ou les grands distributeurs des produits alimentaires incriminés étaient rarement inquiétés dans la mesure où tout le monde savait qu'ils étaient protégés au plus haut niveau de l'Etat. Seulement, on savait au moins que les services du contrôle économique et les responsables de l'ODC faisaient ce qu'ils pouvaient afin de lutter contre les trafiquants de tous bords. Aujourd'hui, après la révolution de la liberté et de la dignité, plus rien n'est caché et les noms des barons de la contrefaçon et du marché parallèle ne sont plus un secret pour personne. Mais les chiffres des qualités des produits alimentaires saisis (viandes rouges et blanches, lait, fruits et légumes, produits alimentaires divers exposés à la vente dans les grandes surfacés, etc.) ont, de nos jours, sauté au ciel. On ne parle plus en termes de centaines de kg mais bien en termes de tonnes. Et l'on apprend qu'au cours des mois de janvier et février 2015, près de 60 tonnes de produits alimentaires ont été saisies dans les gouvernorats de Ben Arous, Sousse, Médenine, Kasserine, La Manouba et autres régions du pays. Rien que pour les deux premières semaines du mois de mars, on est parvenu à mettre la main sur 800 kg de viandes rouges et blanches. En passant en revue les chiffres révélés par les services du contrôle économique, l'on reste sidéré devant l'ampleur qu'a prise le phénomène. Certains chiffres, à titre d'exemple, montrent que les contrôleurs ont beaucoup à faire à condition qu'ils disposent des moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir, au mieux, leur mission. Aussi, sait-on que 80 tonnes de légumes et fruits, 10 tonnes de farine et de pâtes, 20.000 unités de détergents et 56.000 litres d'huile de soja ont été saisis au cours de la première quinzaine de mars ? Il vaut mieux prévenir que guérir Que pensent nos hommes politiques de la situation ? Quels remèdes préconisent-ils afin que le panier de la ménagère soit sécurisé ? Dr Souheil Alouini, député de Nida Tounès et ancien militant de «l'Open Government», considère «qu'il est temps que les structures du contrôle économique connaissent une restructuration de fond en comble et que les services de l'hygiène publique soient renforcés en ressources humaines et en moyens et équipements qui permettent une intervention à temps. Il faudrait intensifier, également, la prévention et imposer de lourdes sanctions aux contrevenants». «Certes, nos hommes politiques sont accaparés par leurs divisions et les dissensions déchirant leurs partis, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. Mais ce n'est pas un prétexte valable pour qu'ils oublient le couffin de la ménagère et fassent la sourde oreille aux véritables préoccupations de ceux qui les ont portés aux hautes fonctions qu'ils occupent actuellement», ajoute-t-il. «Le sujet est assez sérieux pour qu'il soit inscrit parmi les priorités de l'Assemblée des représentants du peuple. Ceux qui considèrent que le terrorisme nous vient uniquement de djebel Chaâmbi ou des cellules dormantes dans les villes se trompent lourdement. Le terrorisme est sécuritaire, intellectuel, médiatique, éducationnel et aussi alimentaire. Aujourd'hui, la contrebande et les spéculateurs agissant dans l'impunité totale nous menacent dans notre vie et nous exposent à tous les dangers. Il est temps qu'une trêve s'installe entre les politiciens et que l'on s'occupe de ce qui intéresse directement le citoyen», conclut-il. La corruption érigée en système «Pour moi, souligne le militant de la société civile Boussairi Bouebdelli, ces pratiques montrent que leurs auteurs ne craignent plus l'Etat. Ces gens-là sont sûrement protégés et les découvertes de ces tonnes de produits périmés annoncent d'autres révélations. Depuis la révolution, les choses vont de mal en pis. Il existe tout un système pour que la corruption s'érige en règle de conduite générale. Le résultat est là : la santé du Tunisien n'intéresse personne. Et les partis politiques poursuivent leur fuite en avant, considérant que le couffin de la ménagère est le dernier de leurs soucis».