Les médias ont aussi leur rôle dans la lutte contre le phénomène du suicide Le manque de confiance en soi, l'anxiété, les soucis et la dépression font partie de la vie quotidienne. Normalement, il suffit d'un changement de décor, de la rencontre d'êtres chers, de l'achat d'un objet désiré pour chasser ces idées noires et redevenir optimiste. En revanche, beaucoup d'individus vulnérables n'arrivent pas à surmonter leurs pensées compulsionnelles à tel point que la dépression s'empare d'eux et ne les lâche plus; c'est sans doute là la pire épreuve qui puisse être imposée à un être humain, certainement pire qu'une maladie corporelle, d'autant plus qu'elle peut devenir une véritable plaie pour tout son entourage. Et pour échapper à une situation psychologique intolérable, certains dépressifs finissent par avoir des tendances suicidaires comme ce qui se passe depuis quatre ans dans notre pays, notamment dans le gouvernorat de Kairouan, où on a enregistré, en 2014, 42 cas de suicide et du 1er janvier au 10 mars 2015, on a enregistré 17 nouveaux cas à cause de la précarité, de l'échec scolaire, de problèmes familiaux, de la toxicomanie et du phénomène d'imitation. En effet, en 2011, il y a eu beaucoup d'immolations suite au geste de Mohamed Bouazizi. De ce fait, le suicide est devenu aujourd'hui un problème de santé publique et non plus un tabou. Tous ces points et bien d'autres ont été évoqués, récemment à Kairouan, au cours d'un séminaire organisé par le ministère de la Santé, la direction régionale de la santé et le Capjc au profit des professionnels des médias autour du thème : «Le suicide: comment en parler ?». Le programme de cette journée a comporté plusieurs communications présentées par d'éminents spécialistes en psychiatrie et par des médecins de la santé publique autour des thèmes suivants : – Conduites suicidaires : facteurs de risque et stratégie de prévention – Aperçu sur la santé mentale à Kairouan – Quelles recommandations pour les professionnels des médias? – Préventions du suicide : contagion et effet Werther. Attention au phénomène d'imitation Notons que Werther est le héros d'un roman de Goethe écrit en 1774 qui a choisi de se suicider suite à un amour impossible et cela en se tirant une balle dans la tête après avoir écrit une lettre d'adieu. Suite à cela, il y a eu une vague de suicides en Europe avec une imitation de tous les faits et gestes de Werther (habits, lettre, moyen utilisé pour se tuer, etc.), à tel point que le roman a été retiré du marché. En outre, l'imitation des gestes de désespoir d'une star, d'un politicien ou d'une vedette est un phénomène inquiétant. D'ailleurs, plusieurs études ont démontré que l'effet de la télévision a plus de répercussions que celui de la presse écrite sur les individus. Lors des débats, l'on a beaucoup parlé de la stratégie d'intervention primaire et secondaire, surtout auprès des jeunes ayant présenté des signes multifactoriels de vulnérabilité, des facteurs contribuants et prédisposants. En effet, 80% des suicidés ont demandé de l'aide durant les 8 mois qui ont précédé leur geste de désespoir. Parmi les recommandations adressées aux médias au cours de ce séminaire, on pourrait citer le fait de ne pas stigmatiser une région avec le phénomène de la grappe locale, comme ce fut le cas d'El Ala avec le suicide de Chiraz qui a eu des conséquences désastreuses sur cette délégation après une émission à la télévision. En outre, il ne faudrait pas chercher le scoop et le sensationnel tout en respectant le code déontologique, en vérifiant nos sources d'information et en évitant les clichés. Création d'un observatoire de lutte contre le terrorisme Ensuite, il faudrait consulter les sources professionnelles et être prudent avec les statistiques tout en évitant d'utiliser des termes choquants. Ainsi, au lieu de dire «le suicidé», on peut écrire «le disparu». Enfin, il serait judicieux de présenter le cas de personnes ayant renoncé à leur tentative de suicide et qui ont réussi dans la vie grâce au traitement thérapeutique et à la prise en charge familiale et sociale. Tout en évitant la répétition excessive au cours d'une même semaine concernant le cas d'un suicidé, il serait bon de réactiver les cellules d'écoute au sein des institutions éducatives afin de détecter les signes précurseurs. Dans ce contexte, rappelons la décision de créer un observatoire de lutte contre le suicide, ce qui permettra aux professionnels de la santé, aux ONG, aux enseignants et aux parents de trouver des solutions aux problèmes qui poussent les jeunes aux actes de désespoir, tels que la toxicomanie, le harcèlement sexuel, la dépression et la délinquance, la précarité et les conflits conjugaux.