Ceux qui connaissent bien la vie, maîtrisent plus ou moins leurs destinées et savent quoi faire de leur quotidien, savent qu'à soixante ans, une deuxième jeunesse peut naître chez ceux qui ne dépriment pas pour leur statut de retraités et ont suffisamment d'atouts accumulés durant toute leur vie, pour pouvoir se remettre debout et dire : « Je ne suis pas fini ; j'ai encore de l'énergie ». Malheureusement, la société tunisienne, malade de ses problèmes et des soucis de ses jeunes et moins jeunes, n'a pas encore pas su quelle place et quel rôle accorder à ses seniors. Ce n'est pas le cas en Europe, où tout en ayant des valeurs libérales et où l'Etat est loin d'être un Etat providence, les seniors sont bien choyés par le système bancaire, les assurances, agences de voyages, les associations caritatives... Tout est fait pour assurer une vie paisible, dynamique et fructueuse à ceux qui n'ont plus de vie professionnelle. Chez nous, nous avons tellement du mal à nous occuper des actifs et des chômeurs, alors que dire pour trouver le temps de penser aux seniors. Logique pour un pays en crise, où la détérioration du pouvoir d'achat est devenue la hantise de tous, gouvernants et gouvernés. Toutefois, pour peu qu'on cherche à dissiper les brumes des problèmes sociaux immédiats, on se rend compte que nos seniors peuvent être d'une grande utilité sans prendre la place des jeunes et encore moins des moins jeunes. Enquête rapide. Ils sont partout et nulle part ! Où trouve-t-on les seniors ? Les cafés publics ou clubs de retraités, à longueur de journée, sont pleins de joueurs de cartes de plus de soixante ans. Ils peuvent y passer le plus clair de leur temps avec quelques interruptions, le temps de la prière. Par la suite, c'est la maison et sa routine ancestrale qu'épouse et enfants connaissent depuis longtemps. Tout le savoir accumulé par ces « vieux routiers » se perd entre fumée de narguilé et parties de cartes, sinon de jeux de dames ou d'échecs. Quel manque à gagner pour une société qui a du mal à retrouver ses repères!!! D'autres, et ils sont peu nombreux, sont occupés dans des travaux au profit de certaines entreprises qui chercheraient à tirer profit de leur savoir et savoir-faire, à moindres frais, c'est-à-dire sans l'obligation de recruter et former des jeunes diplômés auxquels il faudrait payer la CNSS et autres obligations sociales et fiscales. Le jeune retraité prend la place du vrai jeune, avec un complément de pension, sans trop d'exigences de sa part. Et le chef d'entreprise en tire le maximum, sans perturber sa trésorerie et, encore moins sa caisse. Les chasseurs aiment exploiter... Certes, le travail des retraités est réglementé. Dans la fonction publique, il ne peut toucher plus du cinquième du brut de sa dernière paie. Mais, s'il ouvre une patente de conseiller et prestataire de services, il peut toucher, sur présentation de facture, après signature de contrat, beaucoup plus. Et les rapports seront plus clairs. L'employeur paie une prestation extérieure de service et l'employé ne se retrouve pas avec un complément de retraite bien inférieur à la valeur du service prêté. Peu nombreux sont ceux qui optent pour cette solution. On préfère être payé au « noir », sans obligations fiscales, ni pour l'un ni pour l'autre. Et là, le passage à la Caisse devient la meilleure façon de tout fuir, tout gagner, et tout faire discrètement, sans causer la moindre complication ni pour l'employé ni pour l'employeur. C'est un peu le circuit parallèle du marché de l'emploi. Des loisirs dans le cadre du tourisme alternatif A part l'exploitation des connaissances techniques et professionnelles du retraité, où est le travail associatif dans lequel ils peuvent adhérer comme bénévoles ? Avec le nombre faramineux d'associations natives de la période post-14 janvier, le constat d'amateurisme et la prédominance du travail artisanal, surtout chez les jeunes associations, beaucoup de défaillances, visibles à l'œil nu, peuvent être résolues, par l'apport bénévole du senior. D'un côté, il ne se sent plus à la marge de la société, futile et inutile. De l'autre, l'association utilisant ses services en gagne. Restent les organisateurs de randonnées, et fervents défenseurs du tourisme alternatif, qui ont dans cette population une belle niche à exploiter. Pourquoi ne le feraient-ils pas ? A l'exclusion des dépendants, il est clair pour cette catégorie sociale, de plus en plus nombreuse, vu le vieillissement progressif de la population tunisienne, que de grandes opportunités se posent pour éviter le désœuvrement déprimant et rendre le sourire à nos vieux de la vielle, nos vieux routiers.